Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/466

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sa ville ; c’est pourquoi les Juifs saisissent l’occasion de ce que Jésus-Christ était à Capharnaüm, qui passait pour sa patrie, pour le lui demander. Ils n’osent pas s’adresser à Jésus-Christ même. Ils s’adressent seulement à saint Pierre, et même sans violence, mais avec douceur, Car ils ne parlent pas sur le ton de la récrimination ; ils interrogent simplement : « Votre Maître », dirent-ils, « ne paye-t-il pas « le tribut ? » Quoique ces gens n’eussent pas encore du Sauveur toute l’estime qu’ils en devaient avoir, et qu’ils ne le regardassent que comme un simple homme, les miracles néanmoins qu’ils lui voyaient faire ne laissaient pas de leur imprimer du respect pour sa personne.
« Il leur répondit : Oui, il le paye (24) ». L’apôtre répond à ces gens que son Maître payait le tribut ; cependant il n’en parle pas à son Maître, peut-être parce qu’il rougissait de le faire ; mais Celui qui est la douceur même et qui voit tout le prévient ainsi lui-même « Et étant entrés dans la maison, Jésus le prévint et lui dit : Que vous en semble, Simon ? De qui les rois de la terre reçoivent-ils les tributs et les impôts ? Est-ce de leurs propres enfants ou des étrangers ? – Des étrangers, répondit Pierre. Jésus lui dit : Les enfants en sont donc exempts (25) » ? Jésus-Christ parle d’abord à saint Pierre afin qu’il ne crût pas qu’il eût ouï parler de ce tribut à ceux qui avaient charge de l’exiger. Il semble vouloir donner à son disciple une ouverture pour lui parler librement d’une chose dont celui-ci craignait de l’importuner. Voici le sens de ce que dit le Sauveur : Je suis libre et je ne dois point payer le tribut. Car si les rois de la terre n’exigent rien de leurs enfants, mais seulement des étrangers, il est bien plus raisonnable que je sois exempt de tout tribut, puisque je ne suis pas seulement le fils d’un roi de la terre, mais le fils du roi et le roi même du ciel.
Remarquez, mes frères, comme il distingue ceux qui sont fils de ceux qui ne le sont pas. S’il n’eût pas été véritablement Fils de Dieu, c’eût été en vain qu’il eût rapporté l’exemple des enfants des rois de la terre. Que nul impie ne vienne dire : Je reconnais que Jésus est le Fils de Dieu, mais il n’est pas son véritable fils. Car alors il est étranger, et s’il est étranger, cet exemple n’a plus de force. Car Jésus-Christ ne parle pas simplement des enfants, mais des enfants véritables, des enfants légitimes qui ont part à l’héritage et au royaume de leur père. C’est pourquoi il marque cette différence en appelant « étrangers » ceux qui ne sont pas nés de ces rois, et « enfants » ceux qui sont sortis de leur sang. Et remarquez, mes frères, lue Jésus-Christ confirme encore la révélation que Dieu avait faite à saint Pierre, en lui découvrant que Jésus-Christ était véritablement son Fils. Cependant le Sauveur ne s’arrête pas à cela. Et par une condescendance merveilleuse il consent à payer, mais d’une manière qui montre une fois de plus qui il était. Car il ajoute aussitôt : « Mais afin que nous ne les scandalisions point, allez-vous-en à la mer, et jetant votre ligue, prenez le premier poisson qui se présentera, et dans sa bouche vous trouverez une pièce d’argent de quatre drachmes, que vous prendrez, et la leur donnerez pour moi et pour vous (26) ». Admirez, mes frères, comment Jésus-Christ allie ensemble deux choses si différentes, et comment il trouve le moyen de ne point refuser le tribut, et de ne le point donner non plus en esclave et en tributaire. Il évite également de scandaliser d’un côté ses disciples, et de l’autre ceux qui reçoivent ces tributs. Car il ne le donne pas comme étant sujet à cette loi, mais seulement pour épargner la faiblesse de ces hommes. Nous avons vu ailleurs qu’il ne tient pas compte des scandales, comme lorsqu’il parlait du discernement des viandes, et nous voyons ici qu’il les évite, pour nous apprendre les temps et les rencontres où nous devons négliger ou apaiser ceux qui se scandalisent de notre conduite.
2. Mais il fait encore mieux voir ce qu’il est par la manière dont il s’acquitte de ce tribut. Car pourquoi affecte-t-il de le payer non de l’argent que ses disciples pouvaient avoir, mais de celui qui leur fait trouver d’une manière si surprenante, sinon pour faire voir qu’il était Dieu et le souverain maître de toutes choses, et que toute l’étendue des mers était assujettie à sa puissance ? Il avait déjà fait sentir son empire à cet élément, en lui commandant si souverainement de se calmer, en foulant aux pieds ses flots, et les faisant fouler à son disciple ; mais il montre encore ici qu’il en est le maître d’une manière qui nous étonne davantage. Car quel prodige, mes frères, de prédire que le premier poisson que le disciple pêchera dans, ces vastes abîmes d’eaux, aurait dans sa bouche l’argent qu’il