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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/467

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fallait payer, et de témoigner ainsi que ses commandements secrets, et ses ordres invisibles étaient comme un filet qui tirerait de la mer le poisson dont il avait besoin et qui lui apporterait cette pièce de quatre drachmes ? Il n’y avait qu’un Dieu qui pût ainsi commander à la mer de payer tribut, qui pût se faire obéir d’elle jusqu’à la forcer, par sa seule parole, de se taire et de se calmer, et de s’affermir sous les pieds d’un homme qui était comme elle la créature du même maître. « Donnez-le n, dit Jésus-Christ, « pour moi et pour vous ». Vous venez de voir la gloire de Jésus-Christ dans cette rencontre. Voyez maintenant la grande vertu de Saint Pierre. Il semble que saint Marc son disciple ait évité de parler de cette action, parce qu’elle était trop glorieuse pour son maître. Il rapporte avec soin son renoncement, et il passe sous silence ce qui le pouvait relever. Peut-être que saint Pierre lui-même l’avait prié de ne rien dire de lui, qui lui fût trop avantageux. Jésus-Christ dit à saint Pierre « Pour moi et pour vous », parce que cet apôtre était aussi du nombre des premiers-nés. Admirez donc la puissance de Jésus-Christ en cette rencontre, mais admirez en même temps la grande foi de ce disciple, qui obéit si promptement à un commandement si extraordinaire. Aussi, pour récompense de sa foi Jésus-Christ lui fait l’honneur de le joindre à lui dans le paiement du tribut. « En ce même temps les disciples s’approchèrent de Jésus, et lui dirent : Quel est le plus grand dans le royaume des cieux (18, 1) » ? Apparemment les disciples avaient ressenti contre saint Pierre quelque atteinte de cette jalousie si naturelle aux hommes. L’Évangéliste semble le marquer en disant : « En ce même temps », c’est-à-dire, lorsque Jésus-Christ préférait saint Pierre aux autres disciples, et même à ces deux frères, saint Jacques et saint Jean qu’il favorisait si fort. Car quoiqu’il y en eût un des deux qui fût premier-né, aussi bien que saint Pierre, Jésus-Christ néanmoins ne se met point en peine de lui. C’est ce qui leur donne occasion de faire à Jésus-Christ cette question. Mais comme ils rougissaient de découvrir ce qu’ils ressentaient en eux-mêmes, ils n’osent lui dire clairement : Pourquoi honorez-vous plus Pierre que nous ? Est-il le plus grand de nous tous ? Ils cachent leur secrète jalousie. Ils disent seulement en général : « Qui est le plus grand dans le royaume des cieux » ? Quand ils ont vu trois d’entre eux plus favorisés que les autres, ils n’en ont point témoigné d’aigreur ; mais quand ils voient qu’un seul reçoit toutes ces préférences, c’est alors qu’ils en conçoivent de l’envie. Mais outre cette raison particulière, ils en rassemblaient encore plusieurs autres qui étaient passées, dont leur envie s’envenimait davantage. Ils se souvenaient que Jésus-Christ lui avait dit, il y avait fort peu de temps : « Je vous donnerai les clefs du royaume des cieux. Vous êtes bienheureux, Simon, fils de Jean » et ils venaient de lui entendre dire en cette dernière rencontre : « Donnez cet argent pour moi et pour vous ». Enfin ils voyaient qu’il parlait toujours à Jésus-Christ avec une liberté et une confiance particulière.
Que si saint Marc ne dit pas que les apôtres interrogèrent Jésus-Christ, mais seulement « qu’ils pensaient en eux-mêmes, quel était le plus grand d’entre eux », cela ne le met point en contradiction avec saint Matthieu. Et il est vraisemblable que d’abord les disciples ressentirent en eux-mêmes ces mouvements de jalousie, et qu’enfin ils en parlèrent à Jésus-Christ. Mais il serait injuste de s’arrêter à considérer cette légère faute des disciples, et de ne pas admirer la grande vertu qu’ils font paraître. D’abord ils ne demandent rien de terrestre. Nous les voyons ensuite se défaire plus tard de ce sentiment de jalousie, et se céder volontiers entre eux le premier rang. Pour nous autres, nous ne pouvons même arriver à l’état de leur imperfection. Nous ne demandons point comme eux : « Quel est 1e plus grand dans le royaume des cieux ? » Mais quel est le plus grand dans le royaume de la terre ? quel est le plus riche ? quel est le plus puissant ? Voyons maintenant comment Jésus-Christ répond à cette demande. Il découvre ce qu’ils avaient de plus caché dans le cœur, et il répond plutôt à leurs pensées qu’à leurs paroles.
« Et Jésus ayant appelé un petit enfant, le mit au milieu d’eux et leur dit (2) : Je vous dis en vérité que si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez semblables à des petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux (3). C’est pourquoi quiconque s’humiliera soi-même et se rendra petit comme, cet enfant, sera le plus grand dans le royaume des cieux (4) ». Je vois, mes disciples, que vous êtes fort en peine de savoir