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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/469

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combien le doit être davantage l’autre dont celui-là n’est que comme l’ombre et la peinture ? Il rend donc cette menace doublement terrible ; premièrement par le supplice qu’il rapporte seulement pour exemple, et ensuite par la grandeur de l’autre auquel il nous fait songer.
C’est donc ainsi, mes frères, que Jésus-Christ s’efforce de déraciner en nous l’orgueil et la vaine gloire, et qu’il tâche de guérir une plaie qui est si profonde dans nos cœurs. C’est ainsi qu’il nous exhorte à n’aimer jamais les premières places, et qu’il apprend aux personnes ambitieuses à se faire violence, et à ne chercher jamais que le dernier rang. Car il n’y a rien de si pernicieux que l’orgueil. Ce vice éteint de telle sorte toutes les lumières de la nature, qu’il semble que ceux qu’il domine aient perdu le sens et la raison. Nous regarderions comme un fou celui qui n’étant haut que de trois coudées, se croirait aussi grand qu’une montagne ; qui en serait très-persuadé, et qui lèverait même sa tête en haut, s’imaginant que les plus hautes montagnes seraient au-dessous de lui. Après cette extravagante pensée, nous ne demanderions point d’autre preuve de sa folie. Ainsi, lorsque vous voyez un homme qui s’estime plus que tous les autres, et qui se croit offensé d’être obligé de vivre avec le commun des hommes, ne cherchez point d’autre marque de sa folie. Il est plus ridicule que ceux qui ont perdu l’usage de la raison, d’autant plus qu’il se réduit volontairement lui-même à cette folie et à cette extravagance, et qu’étant infiniment misérable, il n’a aucun sentiment de la misère où il se plonge. Car quel est le superbe qui ait de ses péchés le regret qu’il eu doit avoir ? Quel est celui qui les puisse même connaître ? Le démon ne le traite-t-il pas comme un esclave qu’il tourne et qu’il manie comme il lui plaît, de qui il fait tout ce qu’il veut, et dont il dispose souverainement ? Il le traite avec insultes et avec outrages. Il en jette quelquefois dans un tel aveuglement de folie qu’il leur persuade de s’élever insolemment au-dessus de leurs ancêtres, et de mépriser leurs propres femmes et leurs enfants. Il en porte au contraire d’autres à tirer de ces mêmes personnes des sujets de vanité. Et peut-il y avoir rien de moins raisonnable que de tirer un même sujet de gloire de deux choses si opposées : les uns d’avoir des aïeux inconnus et méprisables, les autres d’en avoir d’illustres et de glorieux ?
4. Par quel moyen, mes frères, réprimerons-nous la vanité de ces deux sortes de gens ? Il faut que nous disions à ceux qui s’élèvent de la grandeur de leurs aïeux, que souvent si, sans trop approfondir leur généalogie, ils passaient seulement au-delà de leur grand-père, ils trouveraient peut-être que ceux qui l’auraient précédé étaient des personnes de basse condition, des cuisiniers, des meuniers, des cabaretiers. Il faut au contraire que nous disions aux autres qui s’élèvent au-dessus de leurs pères, que s’ils examinaient leur race qui paraît déchues et que s’ils remontaient jusqu’à la troisième ou à la quatrième génération, ils y trouveraient des personnes qui leur sont préférables en toutes manières. Il est aisé de prouver par l’Écriture combien ce que je dis a été ordinaire dans les familles. Salomon était fils de David, un roi très-illustre comme tout le monde le sait, mais qui était né d’un père fort inconnu. Il avait aussi un grand-père maternel si peu considéré dans le monde, qu’il ne pouvait pas donner sa fille en mariage à un des derniers soldats ; mais si l’on remontait plus haut, on trouverait peut-être que ces aïeux si peu considérables, descendaient eux-mêmes d’une très-noble famille. On peut dire la même chose de Saül et de beaucoup d’autres.
Ne nous élevons donc jamais, mes frères, pour des sujets qui le méritent si peu. Qu’est-ce donc en réalité que la noblesse ? rien, rien, qu’un mot vide de chose. Vous comprendrez combien ce que nous vous disons est véritable, lorsque le dernier jour arrivera, où chaque chose paraîtra à nu, et selon ce qu’elle est aux veux de Dieu. Je souhaiterais, mes frères, de prévenir par mes raisons, ce que ce jour nous découvrira trop tard, et je voudrais de tout mon cœur vous, persuader aujourd’hui que ce que vous appeler noblesse n’est qu’un vain fantôme. Car sans m’arrêter aux autres raisons, représentez-vous seulement, lorsqu’il arrive une guerre, ou une famine, ou une peste, ou quelque autre affliction publique, combien tous ces titres de noblesse disparaissent, combien le pauvre et lé riche, le noble, et le roturier, le souverain et le sujet, sont alors confondus ensemble. Enfin la maladie et la mort les égalent tous, et ces différentes classes souffrent alors les mêmes maux. On peut dire même que les grands sont plus tourmentés que les autres. Comme ils sont moins accoutumés à