Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/468

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quel est le plus grand dans le ciel et vous disputez pour savoir qui de vous sera le premier, et moi je vous dis au contraire que celui qui ne se rend pas le dernier de tous, n’est pas digne d’y entrer. Il met au milieu d’eux tous, un modèle de l’humilité qu’il exige, pour les instruire par les yeux, et pour leur donner un exemple sensible de la simplicité et de la douceur à laquelle il les exhortait. Car un enfant est exempt d’envie et de vaine gloire il ne désire point l’honneur ni la préférence ; mais il possède souverainement la simplicité qui est comme la reine des vertus. Il faut donc que nous soyons non seulement sages et courageux comme des hommes parfaits, mais encore simples et humbles comme des enfants. Notre salut est en danger sans cette vertu, et tout nous manque quand nous manquons d’humilité. Qu’on offense et qu’on injurie un enfant, qu’on le frappe et qu’on le punisse, il n’en ressent point d’aigreur ni d’aversion. Il ne s’enorgueillit point non plus lorsqu’on le loue ou qu’on le caresse.
3. Ainsi Jésus-Christ nous instruit par la considération des ouvrages de la nature, et il nous montre que nous pouvons revenir par la vertu à l’état des petits enfants. Jésus-Christ confondait par cette conduite l’impiété détestable des manichéens qui accusent la nature en elle-même. Car si la nature était mauvaise, comme ils osent le soutenir, comment Jésus-Christ en tirerait-il des exemples pour nous porter à la vertu ? On doit croire que l’enfant qu’il leur proposait était fort petit et incapable de passion. Car les plus petits enfants ne sentent aucun mouvement d’orgueil ni d’envie, ni des autres passions semblables ; et quoiqu’ils possèdent les plus grandes des vertus, l’humilité, la simplicité et l’innocence, ils ne peuvent en concevoir d’orgueil. C’est le double avantage de ces petits enfants de posséder de si grands biens et de n’en point avoir de vanité. C’est pourquoi Jésus-Christ met cet enfant au milieu de ses disciples, et ne se contentant pas de ce qu’il a dit, il ajoute : « Et quiconque reçoit en mon nom un petit enfant tel que je viens de dire, me reçoit moi-même (5)». Comme s’il leur disait : Vous devez attendre de moi une grande récompense, non seulement si vous devenez semblables à cet enfant, mais si à cause de moi vous honorez ceux qui leur ressemblent ; et je récompenserai d’un royaume l’honneur que vous leur rendrez. Il en va même plus loin, en disant : « Il me reçoit moi-même ». Il ne pouvait mieux témoigner combien l’humilité lui plaît qu’en parlant ainsi. Car il marque ici par ces enfants, les personnes humbles, simples et méprisées de tout le monde ; mais pour imprimer davantage ces paroles dans l’esprit des hommes, après qu’il les a portés à respecter ces petits enfants par la promesse de ses récompenses, il les y porte encore par la terreur de ses menaces. « Que si quelqu’un est un sujet de chute et de scandale à un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui, que l’on pendît à son cou une de ces meules qu’un âne tourne et qu’on le jetât au fond de la mer (6) ». Si ceux qui honoreront ces petits à cause de moi posséderont le ciel e la gloire infinie que je leur prépare ; ceux au contraire qui les mépriseront, en seront cruellement punis. Car par ce mot de « scandaliser », il entend ceux qui les méprisent. Que si Jésus-Christ donne à ce mépris le nom de « scandale », il ne s’en faut pas étonner, puisque plusieurs sont scandalisés en effet, lorsqu’ils se voient méprisés à cause de leur simplicité. Il montre donc toute la grièveté de cette faute par la peine dont il nous menace de la punir. Et pour exprimer la grandeur du supplice qui devait la venger, il se sert d’une comparaison qui nous est connue et que nous voyons de nos yeux. C’est ainsi que lorsque Jésus-Christ veut exciter les personnes les plus incultes, il se sert toujours de comparaisons sensibles : ainsi, pour nous tracer ici l’image de la peine dont il châtierait ceux qui mépriseraient ces petits, il se sert de l’exemple de quelqu’un qui se noie une meule au cou.
La suite de son discours le porta naturellement à dire : « Celui qui ne reçoit point un de ces petits, ne me reçoit point moi-même », ce qui était plus terrible que tout ce qu’il eût pu dire ; mais parce que les esprits grossiers n’en auraient pas été touchés, il aime mieux les menacer de cette « meule » et du péril d’être précipités au fond de la mer. Il ne dit pas formellement qu’on leur attacherait en effet cette meule au cou et qu’on les jetterait dans la mer ; mais « qu’il vaudrait mieux pour eux » qu’on le fit, montrant assez par ces paroles qu’ils devaient s’attendre à souffrir un terrible tourment. Que si ce seul supplice qu’il rapporte pour exemple, est déjà si épouvantable,