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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/474

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Jésus-Christ dit encore ces paroles pour réveiller ses apôtres et pour les rendre plus vigilants. Car, de peur qu’ils ne se relâchassent, comme s’il les eût envoyés pour mener une vie paisible et tranquille, il leur prédit qu’ils auront de grands combats au dedans et au-dehors. C’est ce que saint Paul exprime en ces termes : « Des guerres au-dehors, des craintes au dedans, et des dangers dans les faux frères ». (2Cor. 7,5) Et parlant aux Milésiens, il leur dit : « Il s’élèvera d’entre vous des hommes qui publieront des dogmes corrompus ». (Act. 20) Et c’est aussi ce qui faisait dire à Jésus-Christ : « Les ennemis de l’homme sont ses propres domestiques ». (Mt. 10,25)
Quand Jésus-Christ dit : « Il est nécessaire qu’il arrive des scandales », cette nécessité ne détruit point le libre arbitre et ne force point la volonté. Ce n’est point une violence qui se fasse à l’esprit de l’homme, ce n’est qu’une prédiction de ce qui devait arriver. Ainsi saint Luc exprime la même chose d’urne autre manière : « Il est impossible », dit-il, « qu’il n’arrive des scandales » : et si vous me demandez ce que signifie ce mot « de scandales », ce sont proprement les obstacles qu’on met devant les hommes pour les empêcher d’entrer et de marcher dans la voie droite. Ce n’est donc point la prédiction de Jésus-Christ qui fait naître les scandales. Ils n’arrivent pas parce qu’il les a prédits, mais il les a prédits parce qu’ils devaient arriver. Les scandales n’arriveraient point si ceux qui en sont la cause avaient voulu agir autrement. Et s’ils n’avaient point dû arriver, ils n’auraient point été prédits. Mais parce que Jésus-Christ savait qu’il y aurait des esprits corrompus, dont la malice serait incurable, il a prévenu les scandales qu’ils causeraient dans le monde, et il a prédit ce qu’ils devaient faire.
Vous me direz peut-être : si ceux-là se fussent convertis, il ne s’en serait plus trouvé qui eussent scandalisé le monde, et ainsi cette parole de Jésus-Christ n’aurait plus été véritable. Je vous réponds qu’il ne pouvait en être ainsi, parce que s’ils avaient dû se convertir, Jésus-Christ n’aurait pas dit qu’il est nécessaire que les scandales arrivent. Mais parce qu’il prévoyait qu’ils ne devaient point se convertir, il a prédit ce qu’il savait devoir certainement arriver.
Pourquoi donc dira quelqu’un, n’a-t-il pas prévenu et arrêté ces scandales qu’il avait prédits ? Mais pourquoi les aurait-il prévenus ? Est-ce pour le salut de ceux à qui ces scandales sont une occasion de chute ? Mais c’est par leur propre faute et par leur seule négligence qu’ils se perdent, puisque ces mêmes scandales, bien loin de nuire, servent plutôt à ceux qui craignent Dieu véritablement.
Le bienheureux Job. le patriarche Joseph, tous les justes de l’ancienne et de la nouvelle loi, sont des preuves de ce que je dis : Que s’il y en a d’autres qui se sont perdus par les scandales, c’est parce qu’ils étaient tièdes et lâches. Car si le scandale était par lui-même mortel aux âmes, tous devraient se scandaliser et se perdre. Puis donc que plusieurs échappent à ce péril, ceux qui y périssent en sont eux-mêmes la première cause.
Car les scandales, comme je l’ai déjà dit, réveillent les hommes. Ils les rendent plus circonspects et plus vigilants, non seulement ils empêchent de tomber celui qui veillait déjà sur lui-même, mais ils servent même à celui qui était déjà tombé pour se relever et pour marcher ensuite plus sûrement, en se conduisant avec plus de circonspection et de sagesse. Si donc nous sommes du nombre de ceux qui sont attentifs à leur salut, nous tirerons un grand avantage des scandales, parce qu’ils nous obligeront de redoubler notre vigilance et notre ferveur. Que si lorsque l’ennemi nous assiège, et que les tentations nous attaquent de toutes parts, nous demeurons néanmoins dans un si grand assoupissement, dans quelle langueur ne tomberions-nous pas si nous étions dans une parfaite paix ?
Nous pouvons juger de ce que je dis par l’exemple du premier homme. Si n’ayant vécu que très peu de temps, et peut-être moins d’un jour entier, dans la paix et dans les délices du paradis terrestre, il est tombé dans un si étrange aveuglement, qu’il s’est imaginé qu’il pouvait devenir semblable à Dieu, qu’il a pris celui qui le trompait pour Son bienfaiteur, et qu’il n’a pu obéir à l’unique commandement qu’il avait reçu de Dieu, que n’aurait-il point fait s’il eût été ensuite exempt des peines et des misères de cette vie ?
2. Mais lorsque nous parlons de la sorte, ils nous font cette objection : pourquoi, disent-ils, Dieu a-t-il fait l’homme si misérable ? À quoi je réponds, que Dieu n’a point fait l’homme dans l’état malheureux où nous le voyons. S’il