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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/478

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nécessité même. C’est pourquoi Jésus-Christ nous commande d’éloigner de nous nos plus intimes amis lorsqu’ils nous nuisent, marquant ainsi clairement que c’était ceux qu’il avait dans l’esprit, lorsqu’il parlait des auteurs de ces scandales.
Considérez donc, mes frères, avec quel soin le Sauveur écarte d’avance les maux que ces scandales pourraient causer, premièrement en les prédisant, en avertissant les lâches de s’y tenir préparés et de veiller sur eux-mêmes, et en marquant que de tous les maux il n’y en avait point qui fût plus à craindre. Car il ne dit pas seulement : « Malheur au monde à cause des scandales » ; mais, pour montrer davantage la grandeur de ce mal, il prononce un double malheur contre celui qui en aurait été l’auteur, car en disant : « Mais malheur à cet homme », et le reste, il nous fait assez juger quelle sera la sévérité de la punition qu’il en doit tirer.
Il ne se contente pas même de cela. Il augmente encore notre terreur par des comparaisons étonnantes, par lesquelles il nous apprend en même temps le moyen, de fuir les scandales. Ce moyen, mes frères, est de retrancher de notre amitié tous les méchants, quels que soient les liens qui les unissent à nous. Il en apporte une raison convaincante. Car si vous continuez de les regarder comme vos amis pendant qu’ils sont en cet état, vous ne pourrez les gagner et vous vous perdrez vous-même ; mais si vous les retranchez de votre amitié, et que vous les traitiez en ennemis, vous sauverez au moins votre âme.
Si vous reconnaissez donc que l’amitié d’une personne vous soit dangereuse, retranchez-la impitoyablement. Si nous coupons souvent nos propres membres, lorsqu’ils sont pourris, de peur qu’ils ne gâtent les autres, combien moins devons-nous épargner nos amis lorsqu’ils nous corrompent ? Si le mal était naturel à l’homme, il lui serait inévitable quoi qu’il pût faire, et ainsi cet avis de Jésus-Christ serait inutile. Mais, comme il est impossible que les instructions d’un Dieu soient inutiles et hors de propos, nous devons conclure que le mal vient de notre volonté et non de la nécessité de la nature. « Prenez bien garde de ne mépriser aucun de ces petits ; car je vous déclare que leurs anges voient sans cesse dans le ciel la face de mon Père qui est dans les cieux (10)». Il n’entend point par ce mot « de petits », ceux qui sont tels en effet, mais seulement ceux qui passent pour « petits » dans le monde, c’est-à-dire les humbles, les pauvres et les inconnus qui sont d’ordinaire méprisés des hommes. Car comment pourrait-on appeler « petit » celui qui a la gloire d’être aimé de Dieu ? Comment celui qui est plus grand que tout le monde, pourrait-il être appelé « petit » ? Ainsi il les appelle « petits », non parce qu’ils le sont en eux-mêmes, mais parce qu’ils le sont aux yeux des hommes. Il ne dit pas seulement qu’on ne les méprise pas en général, mais qu’on n’en méprise pas même « un seul ». Et en commandant ainsi de les honorer, il nous défend encore davantage contre les scandales. Car s’il nous est utile de fuir les méchants, il nous l’est aussi d’honorer les bons. Et nous tirons de là un double avantage : l’un de nous éloigner de ceux dont la compagnie ne nous pourrait être qu’une occasion de chute et de scandale ; l’autre d’avoir de l’estime et de l’amour pour ceux dont la vie doit être la règle et l’exemple de la nôtre.
Jésus-Christ ajoute une autre raison, qui nous les doit rendre encore plus vénérables. « Car je vous déclare », dit-il, « que leurs anges voient sans cesse dans le ciel la face de mon Père qui est dans les cieux ». On voit par ces paroles que les saints et que tous les chrétiens ont des anges. L’Apôtre dit aussi « que la femme se doit voiler la tête à cause des « anges ». (1Cor. 2,6 ; Deut. 32,7) Et Moïse régla les limites des nations selon le nombre des anges de Dieu. Mais ici Jésus-Christ ne parle pas seulement des anges, mais des anges les plus élevés. Car en disant « ils voient la face de mon Père », Jésus-Christ marque la liberté et la confiance avec laquelle ces anges s’approchent de la majesté de Dieu, et par conséquent la grande gloire dont ils jouissent. « Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu (11) ». Il ajoute encore ici une autre raison plus puissante que la première, et y joint une comparaison par laquelle il fait voir que son Père est dans la même volonté que le Fils. « Dites-moi, je vous prie, si un homme a cent brebis, et qu’une seule vienne à s’égarer, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres pour aller sur les montagnes chercher celle qui était égarée (12) ? Et s’il arrive qu’il la trouve, je vous dis en vérité qu’il en reçoit plais de joie que des quatre-vingt-dix-