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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/477

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pour nous et n’aura point de réalité. Ne vous mettez donc point en peine de savoir d’où il vient, ni quel en est le principe. Reconnaissez seulement que vous n’y tombez que par votre faute, et fuyez-le de toutes vos forces. Si quelqu’un vous dit que le mal ne vient pas de nous, répondez-lui : Pourquoi donc vous vois-je si souvent en colère contre votre serviteur, contre votre femme, contre vos enfants, contre ceux qui vous font quelque injustice ? Si le mal ne vient pas de ces personnes, pourquoi les en accusez-vous ? Pressez-le encore, et dites-lui : Est-ce de vous-même et de votre propre volonté que vous vous mettez en colère ? Car, si cela ne vient pas de vous, il n’est pas raisonnable qu’on vous en blâme. Que, si votre colère vient de vous-même, il est donc clair que ce mal n’a point d’autre principe que votre lâcheté et votre paresse. Je vous demande encore si vous croyez qu’il y ait des gens de bien dans le monde. Car, s’il n’y en a point, comment en avez-vous inventé le nom ? Pourquoi leur donnez-vous tant de louanges ? S’il est très-certain qu’il y en a, il est indubitable aussi qu’ils s’élèveront contre les méchants, et qu’ils les condamneront pour leur négligence. Si personne n’était volontairement méchant, ces reproches que les bons leur feraient, seraient injustes, et dès lors ils deviendraient eux-mêmes méchants. Car, n’est-ce pas une grande méchanceté que de traiter comme coupable celui qui est innocent ? Que, si les bons reprennent les méchants sans cesser d’être bons, et si c’est, au contraire, une des plus grandes marques de leur vertu que de les reprendre, il suit de là clairement que nul n’est méchant par une nécessité forcée, mais seulement parce qu’il veut l’être.
Si, après tout ce que je viens de dire, vous me demandez encore d’où viennent les maux, je vous réponds encore une foi qu’ils viennent de votre lâcheté, qu’ils viennent de votre négligence, qu’ils viennent de ce que vous vivez avec ceux qui sont plongés dans le vice, et de ce que vous méprisez la vertu. C’est là la source de tous les maux : c’est là ce qui donne lieu à demander si inutilement d’où vient le mal. On ne voit point ceux qui vivent chrétiennement, et qui sont dans une piété solide, faire ces demandes vaines et curieuses. Il n’y a que les lâches et les vicieux qui, semblables à des araignées, tirent de leur cœur ces raisons frivoles pour chercher, dans des subtilités sophistiques, de quoi justifier le dérèglement de leur vie. Ainsi, ne raisonnons pas seulement avec eux, mais vivons mieux qu’eux, et répondons-leur plutôt par nos actions que par nos paroles. Le mal ne vient point d’une nécessité involontaire. Si cela était, Jésus-Christ n’aurait point dit : « Malheur à l’homme par qui vient le scandale ». Car il ne plaint que ceux qui se rendent méchants eux-mêmes. Et ne vous étonnez pas qu’il dise.
Malheur à l’homme « par qui vient le scandale », car il n’entend point par là que ce soit un autre qui agisse par l’organe du méchant ; mais que le méchant seul est l’auteur de tout le mal qu’il fait. L’Écriture, en effet, a coutume d’employer la locution «  Δι’ οὗ » dans le sens de «  ‘Υφ’ οὗ » ; par exemple, elle dit (Gen. 4,1) : «  Έκτησάμην ἄνθρωπον διὰ τοῦ θεοῦ », « J’ai acquis un homme par Dieu », exprimant ainsi, non pas la cause seconde, mais la cause première. Elle dit encore (Gen. 40,8) : «  οὐχὶ διὰ τοῦ θεοῦ ἡ διασάφησις αὐτῶν ἐστιν » « N’est-ce point par Dieu que leur manifestation a lieu » ? Et encore (1Cor. 1,9) : «  πιστὸς ὁ Θεὸς, δι’ οὗ ἐκλήθητε εἰς κοινωνίαν τοῦ Υἱοῦ αὐτοῦ » « Il est fidèle Dieu par qui vous avez été appelés à partager l’héritage de son Fils ».
4. Mais pour voir encore plus clairement que ce n’est pas de la nécessité que vient le mal écoutez la suite. Après avoir dit malheur à ces hommes, le Sauveur ajoute : « Que si votre main ou votre pied vous est un sujet de scandale, coupez-le et jetez-le loin de vous. Il vaut bien-mieux pour vous que vous entriez dans la vie n’ayant qu’un pied ou qu’une main, que d’avoir deux pieds et deux mains, et d’être précipité dans le feu éternel (8). Et si votre œil vous est un sujet de scandale, arrachez-le et jetez-le loin de vous. Il vaut bien mieux pour vous que vous entriez dans la vie n’ayant qu’un œil, que d’avoir deux yeux et d’être précipité dans le feu de l’enfer « 9) » Ce n’est point des membres du corps dont Jésus-Christ parle en ce lieu, mais des amis et des personnes qui nous sont unies de telle sorte, que nous les regardons comme nous étant aussi nécessaires que les membres de notre corps. Quoiqu’il ait déjà dit cela plus haut, il ne laisse pas de le redire ici encore. Car il n’y a rien de plus dangereux que la compagnie des personnes corrompues. L’amitié quelquefois a plus de pouvoir sur nous pour nous inspirer le bien ou le mal, que la