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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/486

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l’a faite ? Et afin que vous ne croyiez pas qu’il ne soit puni que de cette sorte, il ajoute aussitôt : « Je vous dis en vérité que tout ce que vous « lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et que tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel (48) ». Il ne dit point à l’évêque de cette Église : Liez cet homme, mais seulement : « Si vous le liez ». Il laisse cela à la volonté de celui qui a reçu l’offense. Mais ce qui sera lié le demeurera toujours. Cet homme sera condamné aux plus grands supplices, et ce ne sera point celui qui l’a déféré à l’Église qui en sera cause, mais cette opiniâtreté qui l’a rendu inflexible dans le mal. Jésus-Christ le menace d’une double punition, des jugements de l’Église et des tourments de l’enfer ; et il le menace des premiers, afin qu’il évite les seconds. Il veut qu’on lui fasse craindre d’être retranché de la compagnie des fidèles et d’être lié sur la terre et dans le ciel, afin que la frayeur l’adoucisse et le fasse rentrer en lui-même. Car s’il n’a point été ébranlé jusque-là, il est difficile néanmoins que cette multitude de jugements ne l’effraie et qu’elle n’arrête enfin les emportements de sa colère. C’est pourquoi Jésus-Christ établit trois différents jugements qui se succèdent l’un à l’autre. Il ne veut pas retrancher d’abord ce criminel de son Église. Après le premier jugement il veut voir si le second ne l’ébranlera pas, et après que le second lui a été inutile, il veut l’épouvanter par le troisième. S’il s’opiniâtre contre tous ces remèdes, il lui représente enfin l’état où il sera lorsqu’il tombera entre les mains de Dieu même, et le supplice qu’il en doit attendre.

« Je vous dis encore que si deux d’entre vous s’unissent ensemble sur la terre, quoi que ce soit qu’ils demandent, ils l’obtiendront de mon Père qui est dans le ciel (19). « Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je me trouve au milieu d’eux (20) ». Jésus-Christ se sert maintenant d’un autre moyen pour étouffer toutes les querelles et toutes les inimitiés entre les chrétiens. Il n’use plus de menaces pour les porter à la charité, mais il les exhorte par les grands biens qui doivent naître de l’union parfaite qu’ils auront entre eux. Après avoir montré d’un côté jusqu’où doit aller sa sévérité dans la punition des esprits opiniâtres, il montre de l’autre combien il sera magnifique à récompenser ceux qui vivront dans une grande union avec leurs frères, puisqu’ils obtiendront ainsi de Dieu tout ce qu’ils lui demanderont, et qu’ils posséderont Jésus-Christ au milieu d’eux.

Vous me demandez s’il se trouve quelquefois deux personnes qui s’accordent ensemble ? Je vous réponds que je crois qu’il s’en trouve assez souvent et en beaucoup de lieux. D’où vient donc, dites-vous, que contre la promesse que nous fait Jésus-Christ, elles ne reçoivent pas de Dieu tout ce qu’elles lui demandent dans leurs prières ? C’est parce qu’il y a d’autres choses qui empêchent que Dieu ne leur accorde ce qu’elles lui demandent. Car ou elles demandent des choses qui ne leur seraient pas utiles, et il ne se faut pas étonner alors que Dieu ne les exauce pas, puisqu’il n’écouta pas même saint Paul, lorsqu’il lui dit : « Ma grâce vous suffit, parce que ma force se perfectionne dans l’infirmité ». (2Co. 12,9) Ou bien ces personnes sont indignes que Dieu les écoute, en ne contribuant en rien de leur côté à faire en sorte qu’il les exauce. Car il ne fait ici cette promesse qu’à ses apôtres et à ceux qui devaient les imiter : « Si deux d’entre vous », dit-il, c’est-à-dire « d’entre vous » qui vivez dans ma crainte et qui pratiquez les règles de mon Évangile. Ou bien ces mêmes personnes désirent de Dieu qu’il les venge de leurs ennemis, ce qu’il défend par un commandement contraire : « Priez », dit-il, « pour vos ennemis ». Ou bien encore, sans avoir fait pénitence de leurs péchés, elles demandent miséricorde ; ce qu’il leur est impossible d’obtenir en cet état, non seulement quand elles la demanderaient elles-mêmes, mais quand même quelque autre, qui serait aimé particulièrement de Dieu, la demanderait aussi pour elles. C’est ainsi que Dieu dit à Jérémie qui priait pour les Juifs : « Ne me priez point pour ce peuple parce que je ne vous exaucerai point ». Que si au contraire toutes ces circonstances se trouvent dans votre prière : si vous ne demandez que des choses utiles, si vous réglez votre vie autant que vous le pouvez, selon les règles que je vous donne, si vous vivez dans l’union et dans la charité avec vos frères, vous obtiendrez de Dieu tout ce que vous lui demanderez. Car le Dieu que vous adorez est un Dieu plein de bonté pour les hommes

3. Mais, après avoir dit ce qu’on recevrait de son Père, il montre aussitôt que ce serait aussi lui qui accorderait cette grâce avec son Père,