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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/51

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Pourquoi donc Isaïe dit-il : « Appelez son nom », c’est parce qu’aussitôt qu’il est né, il a remporté les dépouilles du démon, et le Prophète lui attribue comme son nom propre, cet effet si glorieux du pouvoir qu’il a eu dès sa naissance.
Il est dit de même que la ville de Jérusalem sera appelée : « Une ville de justice, la mère des cités, la fidèle Sion. » (Is. 1,26) Cependant nous ne voyons point que Jérusalem ait porté le nom de « ville de justice ; » et elle a toujours conservé son premier nom ; et lorsque le Prophète dit qu’elle portera ce nom c’est un tour particulier qu’il emploie pour exprimer le fait de sa conversion au bien et à la justice. Lorsqu’une action d’éclat signale davantage celui qui l’a accomplie, que ne pourrait faire son nom propre, on lui donne un autre nom qui rappelle ce qu’il a fait.
Refoulés sur ce point, les Juifs reviennent à la charge sur un autre, ils s’en prennent à la virginité que nous attribuons à la mère du Messie, ils objectent que tous les interprètes n’entendent pas comme nous ce passage d’Is. qu’ils traduisent non pas « une vierge », mais « une jeune fille. » A cela nous répondrons que les plus sûrs interprètes sont les Septante, qu’il n’y en a pas dont l’autorité soit égale à la leur ; les autres ont écrit depuis Jésus-Christ, ils sont juifs, et par conséquent suspects, parce qu’ils ont malicieusement corrompu beaucoup d’endroits, et qu’ils ont fâché d’obscurcir les Prophètes. Au contraire les Septante ont fait leur version plus de cent ans avant Jésus-Christ et ils étaient plusieurs ensemble : ils évitent par là jusqu’à l’ombre du soupçon ; leur temps, leur nombre et leur union leur donnent une autorité que les autres ne peuvent avoir.
3. Mais quand même nos adversaires voudraient s’appuyer sur ces interprètes nouveaux, ce que nous disons subsisterait toujours, puisque l’Écriture marque ordinairement une vierge par le mot de « jeune fille », comme elle marque un garçon par le mot de jeune homme ; comme lorsqu’elle dit dans le psaume : « Vous, jeunes hommes, et vous, vierges, louez le Seigneur. » (Ps. 44,8) Et l’Écriture parlant d’une vierge à laquelle on voudrait faire violence dit : « Si cette jeune fille, » c’est-à-dire, si cette vierge « a élevé sa voix pour crier. » (Deut. 22,27)
Mais ce qui précède dans ce prophète, confirme assez ce que nous disons. Car il ne dit pas simplement : « La vierge concevra et enfantera un fils », mais il dit : « Le Seigneur vous donnera un signe miraculeux », et il ajoute aussitôt : « La vierge concevra. » Si celle qui devait enfanter n’était vierge, ou qu’elle n’eût conçu que par la voie ordinaire du mariage, où serait le prodige et le miracle que Dieu promet ? Un prodige est nécessairement une chose extraordinaire ; et l’on ne peut donner ce nom à rien de ce qui arrive dans l’ordre commun de la nature. « Joseph donc étant réveillé de son sommeil fit ce que l’ange du Seigneur lui avait ordonné et il prit sa femme avec lui (24). » Considérez l’obéissance de ce saint homme, et la docilité de son esprit : voyez la circonspection et la pureté incorruptible de son âme. Lors même qu’il a lieu de soupçonner la Vierge, il ne veut rien faire qui la déshonore ; et aussitôt qu’il est délivré de son doute, il ne pense plus à la quitter, mais il la retient avec lui, et devient le ministre et comme le dispensateur de ce mystère. « Et il prit sa femme avec lui. » Remarquez comme l’Évangéliste nomme souvent ainsi la Vierge, parce qu’il ne voulait pas trop découvrir cette merveille, et qu’il en avait dit assez pour ôter le soupçon que Jésus-Christ fût né comme le reste des hommes. « Et il ne l’avait point connue, jusqu’à ce qu’elle enfantât son fils premier-né (25). » Ce mot, « jusqu’à ce que », ne vous doit pas faire croire que Joseph la connut ensuite ; mais seulement qu’il ne l’avait point connue avant ce divin enfantement, et que la mère de Jésus était toujours demeurée vierge. L’Écriture a coutume de se servir ainsi de ce mot, « jusqu’à ce que », sans marquer un temps limité. Elle dit quand le corbeau sortit de l’arche, « qu’il n’y rentra point jusqu’à ce que la terre fut desséchée (Gen. 3,4) ; » cependant il n’y rentra point non plus après. En parlant de Dieu elle dit aussi : « Vous êtes depuis l’éternité jusqu’à l’éternité (Ps. 89,2) », sans prétendre lui donner des bornes. De même quand elle annonce la naissance de Jésus-Christ elle dit : « La justice s’élèvera dans ses jours avec une abondance de paix jusqu’à ce que la lune passe (Ps. 71,7) », ce qui ne marque pas néanmoins que la lune doive ensuite cesser d’être. L’Évangéliste donc ne se sert ici de ce mot, que pour lever tout soupçon sur ce qui s’était passé avant la naissance de Jésus-Christ, vous