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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/52

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laissant après juger vous-même de ce qui avait pu suivre. Il dit ce que vous ne pouviez apprendre que de lui, c’est-à-dire, que Marie était toujours demeurée vierge jusqu’à son enfantement ; mais il vous laisse à conclure vous-mêmes, ce qui n’est qu’une suite claire et comme nécessaire de ce qu’il dit, savoir, qu’un homme si juste n’a eu garde depuis de penser à s’approcher de celle qui était devenue mère si divinement, et qui avait été honorée d’une fécondité si miraculeuse. Si Joseph eût depuis vécu avec Marie comme avec sa femme, et qu’il eût eu des enfants d’elle comme quelques-uns ont osé dire, pourquoi Jésus-Christ sur la croix, l’eût-il recommandée à son disciple, afin qu’il la prît avec lui comme n’ayant personne qui pût avoir soin d’elle ? D’ou vient donc, me direz-vous, que Jacques et Jean sont appelés dans l’Évangile « frères de Jésus-Christ ? » (Mt. 13,55) Ils ont été appelés frères de Jésus de la même manière que Joseph était appelé époux, de Marie. Dieu a voulu couvrir comme de beaucoup de voiles ce grand mystère, afin que ce divin enfantement demeurât quelque temps caché. C’est pourquoi saint Jean les appelle lui-même dans son évangile frères du Seigneur, lorsqu’il dit : « Ses frères ne croyaient pas en lui. » (Jn. 7,5) Mais ceux qui ne croyaient pas alors en lui se sont signalés depuis par la grandeur de leur foi. Car lorsque saint Paul monta à Jérusalem, pour conférer avec les autres apôtres des vérités qu’il prêchait, il vint d’abord trouver saint Jacques dont la vertu était si grande qu’il mérita d’être le premier évêque de Jérusalem. On dit de lui qu’il négligeait tellement son corps que tous ses membres étaient comme morts, et qu’il s’agenouillait et se prosternait si souvent en terre pour faire oraison, que son front et ses genoux s’étaient endurcis comme la peau d’un chameau.
Ce fut lui aussi qui, lorsque saint Paul monta de nouveau à Jérusalem, lui parla avec tant de prudence, et qui lui dit : « Vous savez, mon frère, quelle multitude de juifs se sont convertis à la foi de Jésus-Christ. » (Act. 21,20) Telle était sa prudence et son zèle, ou plutôt la puissance de Jésus-Christ. Ceux qui murmuraient si souvent contre Jésus-Christ vivant l’admirèrent après sa mort jusqu’à mourir eux-mêmes pour lui avec joie ; quelle marque visible de la vertu de sa résurrection ! Il a réservé à dessein après sa mort ces grands effets de sa puissance pour s’en servir comme d’une preuve indubitable de ce qu’il était. Car si nous oublions aisément après leur mort ceux même que nous avons le plus admirés durant leur vie : comment ceux qui avaient méprisé Jésus-Christ durant sa vie, l’auraient-ils regardé comme un Dieu après sa mort, s’il n’eût été qu’un pur homme ? Comment se seraient-ils fait égorger pour lui, s’ils n’eussent eu des preuves certaines de sa résurrection ?
4. Je vous dis ceci, mes frères, non pour vous causer une stérile admiration, mais afin que vous imitiez cette constance, cette fermeté, et cette justice, afin que nul ne désespère de lui-même, quelque lâche qu’il ait été jusqu’ici, et qu’après la grâce de Dieu, personne ne mette sa confiance que dans la sainteté de sa vie. S’il n’a servi de rien aux apôtres d’être unis à Jésus-Christ par des liens de patrie, de maison et de parenté, jusqu’à ce qu’ils se soient rendus recommandables par leur vertu ; comment serons-nous excusables, nous autres, de nous vanter d’avoir des frères et des proches vertueux sans nous mettre en peine de les imiter ? C’est cette même vérité que David insinue lorsqu’il dit : « Le frère ne délivre point, c’est l’homme qui délivrera. » (Ps. 48,8) Quand Moïse, Samuel ou Jérémie, prieraient pour leurs parents, ils ne seraient point exaucés. Voyez ce que Dieu dit à Jérémie : « Ne me priez plus pour ce peuple, car je ne vous écouterai point. » (Jer. 2,14) Ne vous en étonnez pas, saint prophète, Moïse ou Samuel prieraient pour des pécheurs obstinés, que le Seigneur ne les exaucerait pas, il le déclare lui-même. Les supplications d’Ézéchiel n’obtiendront pas davantage, il lui sera répondu comme à vous : « Quand Noé, Job et Daniel se présenteraient devant moi, ils ne sauveront pas leurs fils et leurs filles. » (Ez. 14,14) Quand le patriarche Abraham prierait pour ceux qui demeurent volontairement dans le vice, et qui rendent leurs maladies incurables, Dieu détournerait sa face, et n’écouterait point ses prières. Quand Samuel ferait la même chose, Dieu lui dirait aussitôt : « Ne pleurez point Saül. » (1Sa. 16,1) Quand quelqu’un prierait à contre-temps pour sa propre sœur, Dieu lui dirait comme Moïse : « Si son père lui avait craché au visage, n’aurait-elle pas dû être couverte de confusion ? » (Nb. 12,14)
Ne nous appuyons donc point lâchement sur le mérite des autres. Il est vrai que les prières