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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/511

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aucune part. C’est pourquoi il adresse ici son discours généralement à tous les hommes ; et il veut les assurer de l’avenir par l’expérience du présent. Quand ses disciples étaient encore faibles, il ne leur promettait que des choses basses. Quand il les retire de la pêche, et qu’il les fait renoncer à leurs filets, il ne leur promet ni le ciel, ni un trône comme ici ; mais il leur dit seulement « qu’ils deviendraient pêcheurs d’hommes (Mt. 4,19) » ; mais lorsqu’ils sont plus avancés, il leur propose les récompenses du ciel.
2. Cette parole : « Vous serez assis ; et vous jugerez les douze tribus d’Israël », ne veut dire autre chose sinon qu’ils les condamneraient. Car nous ne devons pas croire que les apôtres seront assis alors effectivement dans des trônes pour être les juges des Juifs. Jésus-Christ leur dit qu’ils condamneraient les Juifs, comme il dit ailleurs, que la reine de Saba et que les Ninivites le condamneraient. C’est de cette manière que le Fils de Dieu dit ici que ses apôtres condamneraient non tous les hommes de la terre, mais n les tribus d’Israël ». Comme les Juifs et les apôtres avaient été également élevés dans les mêmes lois, dans les mêmes coutumes et dans les mêmes cérémonies, lorsque les Juifs prétendront s’excuser par la loi de ce qu’ils n’auraient pas cru en Jésus-Christ ; comme si Moïse leur eût défendu de l’écouter, le Fils de Dieu les condamnera aussitôt en leur opposant ses apôtres, qui, étant Juifs comme eux, ont bien su allier la loi avec la foi de l’Évangile, et respecter l’une sans offenser l’autre. C’est pourquoi il dit d’eux en un autre endroit, « qu’ils seraient les juges des Juifs ».
Vous, me demanderez peut-être en quoi donc consiste l’avantage des apôtres ; s’il ne leur promet que ce qu’il a dit des Ninivites et de la reine de Saba ? Je vous réponds que Jésus-Christ leur a promis et leur promettra encore dans la suite beaucoup d’autres choses, et qu’ils ont encore d’autres avantages que celui-ci. Mais l’on peut dire même que le terme dont il se sert en parlant de ses apôtres, marque quelque chose qui leur est particulier. Il dit simplement en parlant du peuple de Ninive : « Les Ninivites s’élèveront et condamneront ce peuple », et il dit la même chose de la reine de Saba. Mais il dit plus lorsqu’il parle de ses apôtres : « Quand le Fils de l’homme », leur dit-il, « sera assis sur le trône de sa gloire, alors vous serez aussi assis sur douze trônes ». Ce mot de « trône » marque qu’ils régneront avec lui, et qu’ils participeront à sa gloire ; ce qui a rapport à ce que dit saint Paul : « Si nous souffrons avec lui, nous régnerons aussi avec lui (2Tim. 2,12) ». Car le terme de trône ici employé pour désigner la récompense des apôtres, aie veut pas dire qu’ils siégeront comme juges. Lui seul sera assis comme seul juge ; et ces trônes qu’il promet à ses disciples, marquent seulement la grande gloire dont ils seront comblés alors.
C’est donc là la récompense qu’il promet à ses disciples. Pour les autres, il leur promet « la vie éternelle dans l’autre monde, et le « centuple dans celui-ci ». Et s’il fait cette promesse au commun de ses, disciples, il la fait encore plus à ses apôtres : et il l’a même vérifiée en leur personne. Car n’ayant quitté que des filets, ils sont devenus maîtres de tous les biens des fidèles. On a mis à leurs pieds le prix des maisons et des terres qu’on avait vendues ; et les serviteurs de Jésus-Christ ont été prêts à• donner pour eux leur propre vie, selon que saint Paul le dit des Galates : « Si vous eussiez pu », leur dit-il, « vous m’auriez donné vos propres yeux ». (Gal. 4,15)
Quand Jésus-Christ dit ici : « Quiconque quittera sa femme », il ne nous commande pas de rompre les mariages. Il faut entendre ces paroles dans le même sens que ces autres : « Celui qui perdra son âme pour moi, la trouvera ». Ce qu’il ne dit pas pour nous porter à nous tuer nous-mêmes, et à arracher avec violence notre âme de notre corps : mais pour nous avertir de préférer toujours la piété à tout le reste. C’est l’avis qu’il donne ici aux hommes à l’égard de leurs femmes, et de leurs frères, et de tous leurs proches. Il me semble, que par ces paroles, il marque obscurément les persécutions qui devaient bientôt arriver dans son Église. Car, comme il devait y avoir beaucoup de pères qui précipiteraient leurs propres enfants dans le crime, et beaucoup de femmes qui y pousseraient leurs maris, Jésus-Christ veut que les fidèles cessent de regarder comme leurs femmes ou leurs pères, les personnes qui les pousseraient à l’impiété. C’est ce que saint Paul dit en d’autres termes : « Si l’infidèle se sépare, qu’il se sépare ». (1Cor. 8,45) Après avoir donc ainsi relevé le courage de