Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/514

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

heure ; quoiqu’il l’eût pu faire plus tôt s’il eût prévu que cet homme se fût rendu à sa voix. Car si saint Paul même n’eût pas obéi à Dieu s’il l’eût appelé plus tôt, combien ce larron l’aurait-il moins fait ?
4. Que si ces ouvriers disent : « C’est parce que personne ne nous a loués, il faut se souvenir de ce que je viens de dire ; c’est-à-dire, qu’il ne faut pas examiner trop scrupuleusement toutes les circonstances d’une parabole. Outre que ce n’est pas le père de famille qui dit cette parole, mais seulement les ouvriers : et si le père de famille ne les en reprend pas, c’est pour ne pas les troubler dans le dessein qu’il avait de les encourager à travailler dans sa vigne. Car il montre assez qu’il a fait tout ce qu’il a pu de son côté, afin que tous ses ouvriers vinssent dès la première heure du jour travailler pour lui en disant : « Qu’il était sorti ci dès le matin pour les louer ». Ainsi, cette parabole nous fait voir dans toute la suite que les hommes se donnent à Dieu en des âges très-différents ; les uns fort jeunes, les autres plus avancés en âge, et les derniers enfin dans la plus grande vieillesse. Et Dieu voulant arrêter l’orgueil de ceux qui auraient commencé à travailler de bonne heure, et les empêcher de mépriser ceux qui ne l’auraient fait que tard, promet la même récompense à des travaux si courts, que celle dont il récompensera les plus longs.
Comme il venait d’exhorter les chrétiens aux choses les plus pénibles et les plus parfaites, à renoncer à tout leur bien, à le donner tout aux pauvres, et à fouler aux pieds toute la terre ; ce qui ne se peut faire que par une grande application de cœur, et d’esprit et par une grande violence ; pour les exciter davantage, et pour allumer en eux le feu de la charité, il leur montre que bien qu’un homme vienne le dernier de tous au service de Dieu, et seulement à la dernière heure, il peut néanmoins recevoir de lui la même récompense que ceux qui auront travaillé durant tout le jour li ne leur dit pas néanmoins ceci clairement, de peur que quelqu’un n’en abusât et n’en devînt plus lâche et plus négligeant. Il montre que sa pure miséricorde fera cet ouvrage ; que ce sera elle seule qui les soutiendra, et qui fera que leur récompense ne sera pas moins grande, quoique leurs travaux aient été si courts. C’est là le principal but de cette parabole. Que si Jésus-Christ dit ensuite : « Que les derniers seront les premiers, et que ceux qui étaient les premiers seront les derniers : que plusieurs seront appelés, mais qu’il y en « aura peu d’élus », il ne faut pas s’étonner de cela. Ce n’est point une conclusion qu’il tire du corps de cette parabole. Mais c’est comme s’il disait : Vous voyez ici une chose qui vous surprend dans l’égalité des derniers avec les autres ; vous en verrez une autre qui vous frappera bien davantage. Vous ne voyez point dans cette parabole que les premiers deviennent les derniers, puisque tous ces ouvriers reçoivent la même récompense ; mais vous verrez avec bien plus d’étonnement que les premiers deviendront les derniers de tous, et que les derniers au contraire seront les premiers.
Il me semble que Jésus-Christ par ces dernières paroles, marque les Juifs et ceux d’entre les chrétiens qui, après avoir commencé avec ferveur, se sont relâchés dans la suite, et ont tourné la tête en arrière ; ou ceux qui, après s’être laissés aller d’abord à toutes sortes de dérèglements, se sont réveillés ensuite d’un profond sommeil, et sont entrés dans la voie de Dieu avec tant de ferveur, qu’ils ont devancé ceux qui y marchaient avec plus de zèle. Car nous avons vu souvent de ces changements heureux, soit de la part de ceux qui sont passés de l’erreur à la foi, soit de la part de ceux qui se sont convertis d’une vie mauvaise à une vie sainte.
C’est ce qui m’oblige, mes frères, à vous conjurer de demeurer fermes dans la pureté de la foi, et dans l’intégrité des mœurs. Si notre vie ne répond à la sainteté de notre croyance, nous tomberons dans d’épouvantables supplices. Saint Paul nous a marqué que cette vérité terrible avait été figurée dès le commencement de la loi, lorsqu’il dit : « Que tous les Israélites ont bu un même breuvage spirituel, Qu’ils ont tous mangé d’une même nourriture spirituelle, et que néanmoins ils n’ont pas tous été sauvés, mais que plusieurs d’entre eux ont été tués dans le désert ». (1Cor. 10,3) Jésus-Christ nous dit aussi la même chose, lorsqu’il nous assure que quelques-uns de ceux « qui auront chassé les démons, et qui auront prophétisé (Mt. 7,22) », ne laisseront pas d’être damnés. Toutes ces autres paraboles « des vierges folles et des vierges sages ; de ce filet qui est jeté dans la mer, d’où l’on rejette les mauvais poissons ; de ces épines qui