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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/513

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du jour, deviennent enfin jaloux, et s’abandonnent à la passion criminelle de l’envie. Ils ne peuvent souffrir que ceux qui n’avaient travaillé qu’une heure avec eux reçoivent la même récompense. Ils s’en plaignent et disent en murmurant : « Vous leur avez donné autant qu’à nous, qui avons porté le poids du jour et de la chaleur » Ils ont, tout ce qu’on leur a promis : ils ne perdent rien de leur récompense ; mais ils sont jaloux et ils s’affligent du bonheur des autres. Le père de famille ne peut souffrir cette envie, et voulant comme se justifier contre l’injustice de leurs plaintes, il fait voir en même temps l’excès de sa bonté et celui de leur malice : « Mon ami », dit-il, « je ne vous, fais point de tort. N’Êtes-vous pas convenu avec moi d’un denier par jour ? Emportez ce qui est à vous, et allez vous-en. Il me plaît de donner à ce dernier autant qu’à vous. Ne m’est-il pas permis de faire ce que je veux, ou faut-il que votre œil soit envieux parce que je suis bon »
Que nous apprend Jésus-Christ par cette image qu’il nous représente ? Car on voit encore la même chose dans quelques autres paraboles, comme dans ce frère aîné de l’enfant prodigue, qui fut fâché de voir avec quels témoignages d’amitié son père avait reçu ce fils ingrat, pour qui il faisait ce qu’il n’avait jamais fait pour lui qui était demeuré fidèle. Comme dans la parabole des ouvriers de la vigne, les derniers sont préférés aux premiers, en ce qu’ils reçoivent avant eux leur récompense ; de même en celle-ci, le prodigue est préféré à son frère, en ce qu’il reçoit de son père plus que son aîné n’en avait reçu, comme, celui-ci le témoigne lui-même.
Que dirons-nous donc ici, mes frères ? Croirons-nous que dans le royaume des cieux il y ait de ces envies et de ces murmures ? Dieu nous garde de cette pensée. L’envie n’entre point dans un lieu si pur. Si les saints qui sont encore sur la terre, bien loin d’avoir de la jalousie contre les pécheurs qui se convertissent, seraient prêts même à donner leur propre vie pour sauver leur âme, que devons – nous croire des saints du ciel ? Avec quelle joie verront-ils le bonheur des pécheurs, et ne considéreront-ils pas leur gloire comme la leur propre ? D’où vient donc que Jésus-Christ se sert de ces expressions si figurées ? Nous devons considérer que ce qu’il nous propose est une parabole, et que dans ces figures paraboliques nous pouvons ne nous mettre pas tant en peine d’expliquer chaque mot. Mais quand nous avons une fois bien compris la fin et le but de toute la parabole, nous devons nous en servir pour notre édification, sans faire tant d’efforts pour éclaircir tout le reste.
Quel est donc le but de cette parabole ? Le dessein principal de Jésus-Christ est de s’en servir pour encourager les personnes qui se donnent tard à Dieu, et pour les empêcher de croire que la vieillesse la plus avancée puisse rien diminuer de leur récompense. S’il en fait voir en même temps d’autres qui murmurent d’un traitement si favorable à l’égard de ces personnes, ce n’est pas qu’en effet il y ait dans le royaume des cieux des envies et des murmures, Dieu nous garde de cette pensée. Il veut seulement-que nous concevions que la gloire dont ces derniers jouissent est si grande que si les autres n’étaient tout à fait incapables d’envie, elle pourrait leur en donner. Nous nous servons nous-mêmes tous les jours de ces sortes d’expressions. Nous disons à nos amis : Un tel m’a querellé de ce que je vous ai fait tant d’honneur ; non pas qu’on nous ait fait un reproche sérieux ou que nous en voulions faire nous-mêmes, mais nous parlons ainsi pour faire mieux comprendre à quelqu’un la manière favorable dont on l’a traité.
Vous me demandez petit-être pourquoi on ne fait pas venir tous – ces ouvriers en même temps dans, cette vigne ? Je réponds que le dessein de Dieu a été de les appeler tous en même temps. S’ils ne veulent pas venir lorsqu’on les appelle, cette différence vient de la volonté de ceux qui sont appelés. C’est pourquoi Dieu appelle les uns « de grand matin », les autres « à la troisième heure », les autres « à la sixième », les autres, « à la neuvième », et 1es autres enfin « à la onzième », lorsqu’il savait qu’ils se rendraient et qu’ils obéiraient à sa voix. C’est ce que marque clairement l’apôtre saint Paul : « Mais quand il a plu à Dieu, il m’a séparé dès le ventre de ma mère ». (Gal. 1, 15) Quand est-ce que cela a plu à Dieu, sinon quand il a vu que l’apôtre lui obéirait ? Dieu eût voulu l’appeler à lui dès le commencement de sa vie, mais parce que Paul ne se fût pas rendu à sa voix, Dieu a pris le parti de ne l’appeler que lorsqu’il a vu qu’il lui obéirait. C’est ainsi que Dieu n’a appelé le bon larron qu’à la dernière