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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/519

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ni les grands biens que Jésus-Christ devait ainsi apporter au monde. C’est là proprement ce que l’Évangéliste marque leur avoir été caché et avoir été le sujet de leur tristesse. Ils pouvaient déjà savoir que les morts pouvaient être ressuscités par d’autres ; mais qu’un mort se ressuscitât lui-même, et se ressuscitât pour ne plus mourir, c’était un mystère qui leur était inconnu. Quoiqu’on leur en parlât souvent, ils ne pouvaient le comprendre. Ils ne savaient pas même bien distinctement quel devait être le genre de sa mort ni comment on le ferait mourir. C’est ce qui les troublait dans le chemin lorsqu’ils le suivaient.
2. Toutes les assurances qu’il leur donnait de sa résurrection ne les pouvaient rassurer. Outre ce mot de « mort » en général qui les surprenait étrangement, ces circonstances particulières de « moqueries, d’outrages et de fouets », dont elle devait être accompagnée, augmentaient beaucoup leur étonnement. Le souvenir de tant de miracles qu’ils avaient vus, de tant de possédés guéris ; de tant de morts ressuscités et de tant d’autres prodiges semblables, leur paraissait inconciliable avec ces souffrances dont Jésus-Christ leur parlait. Ils ne pouvaient comprendre comment celui qui faisait tant de merveilles pourrait souffrir tant d’indignités. C’est pourquoi ils se trouvaient dans une peine d’esprit et dans une irrésolution très-grande. Tantôt ils croyaient, tantôt ils ne croyaient pas, et ils ne pouvaient bien comprendre ce qu’on leur disait. C’est pourquoi nous voyons que dans ce même moment les deux fils de Zébédée s’approchent de lui pour lui demander la préséance au-dessus des autres apôtres. « Alors la mère des enfants de Zébédée le vint trouver avec ses deux fils, l’adorant et lui témoignant qu’elle avait une demande à lui faire (20). Et il lui dit : Que voulez-vous ? Ordonnez, lui dit-elle, que mes deux fils que voici soient assis dans votre royaume, l’un à votre droite et l’autre à votre gauche (21) ».
Saint Matthieu que nous expliquons, marque que ce fut la mère qui vint faire cette demande à Jésus-Christ, et saint Marc dit que les enfants la firent eux-mêmes. (Mc. 10, 35) Il est assez probable que cela se fit de l’une et de l’autre manière ; e que les enfants employèrent leur mère, afin que ses prières eussent plus de poids auprès du Sauveur, et pour emporter ainsi ce qu’ils désiraient de leur maître. Ce qui me confirme dans ce sentiment et me prouve que c’était en effet les deux frères qui faisaient cette prière par la bouche de leur mère pour s’épargner la honte de la faire eux-mêmes, c’est que Jésus-Christ dans sa réponse s’adresse à eux et non à leur mère. Mais voyons ce qu’ils demandent leur Maître ; dans quel esprit ils le lui demandent, et ce qui leur donna lieu de faire cette prière à Jésus-Christ. Comme ils remarquaient que partout Jésus-Christ les préférait aux autres apôtres, ils crurent qu’il leur accorderait sans peine cette demande. Un autre Évangéliste nous fait voir ce qu’ils demandaient à Jésus-Christ par ces paroles. Comme ils approchaient de Jérusalem et qu’ils croyaient que le royaume de Dieu, qu’ils regardaient, comme un royaume terrestre, allait bientôt arriver, ils préviennent les autres apôtres et lui font cette prière, espérant que cet honneur qu’ils demandaient les mettrait à couvert de tous les périls. C’est pourquoi Jésus-Christ en leur répondant éloigne d’abord de leur esprit cette pensée, et leur apprend qu’il faut être prêt à souffrir tout, et la mort même et une mort sanglante et cruelle. « Jésus répondit : vous ne savez ce que vous demandez ; pouvez-vous boire le calice que je dois boire, et être baptisés du baptême dont je serai baptisé ? Nous le pouvons, lui dirent-ils (22) ». Que personne ne s’étonne de voir ici tant d’imperfection dans les apôtres. Le mystère de la Croix n’avait pas encore été consommé, et la grâce du Saint-Esprit ne s’était pas encore répandue sur eux. Si vous désirez savoir quelle a été leur vertu, considérez ce qu’ils ont fait ensuite, et vous les verrez toujours élevés au-dessus de tous les maux de la vie. Dieu a voulu que tout le monde connût combien ils étaient imparfaits d’abord, afin qu’on admirât davantage le changement prodigieux que la grâce de Dieu a fait dans leur cœur. Il est donc visible qu’ils ne demandaient rien de spirituel et qu’ils ne pensaient nullement à un royaume céleste.
Mais considérons maintenant ce qu’ils disent en faisant cette demande : « Nous voulons », disent-ils, « que vous fassiez tout ce que nous vous demanderons ». À quoi Jésus-Christ répond : « Que voulez-vous » ? Non pas qu’il ignorât en effet ce qu’ils désiraient ; mais il voulait les forcer de parler et de découvrir cette plaie secrète qu’il voulait guérir. Alors ayant honte eux-mêmes de ce désir, comme