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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/520

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trop bas et trop humain, ils s’approchent de Jésus-Christ en secret : « Ils marchèrent un peu devant », dit l’Évangile, afin de n’être point entendus, et de lui pouvoir dire avec liberté tout ce qu’ils lui voulaient dire. Et voici ce me semble ce qu’ils désiraient de lui. Comme le Fils de Dieu leur avait promis à tous de les faire seoir sur douze trônes, ils souhaitaient d’avoir les deux premiers d’entre ces douze. Ils savaient déjà que Jésus-Christ les préférait aux autres apôtres ; mais ils appréhendaient encore saint Pierre. C’est pourquoi, sans le-nominer, ils disent seulement : « Ordonnez que nous soyons tous deux assis dans votre « royaume ; l’un à votre droite et l’autre à votre gauche ». Ils le pressent par ce terme : « Ordonnez ».
Mais Jésus-Christ voulant leur faire voir qu’ils ne demandaient rien que de terrestre et de bas, et qu’ils ne savaient pas même ce qu’ils demandaient, puisque s’ils le connaissaient, ils ne le demanderaient pas : « Vous ne savez ce que vous demandez », leur dit-il, vous n’en connaissez ni le prix, ni la grandeur. Vous ne savez pas combien cette dignité est élevée au-dessus de toutes les puissances des cieux, « Pouvez-vous », ajoute-t-il, « boire le calice que je dois boire, et être baptisés du baptême dont je serai baptisé » ? Il les éloigne tout d’un coup de leur vaine prétention, en leur proposant des choses qui y étaient tout opposées. Vous ne pensez, leur dit-il, qu’à des honneurs et à des royaumes ; vous ne me parlez que de trônes et de dignités, et je ne vous propose que des combats et des souffrances. Ce n’est point ici le temps de recevoir la couronne, et ma gloire ne paraîtra point maintenant. Mais le temps de cette vie est un temps de mort, de guerre et de péril.
Et voyez comment, même par sa manière de les interroger, il les exhorte et les entraîne. Car il ne dit pas : Pouvez-vous répandre votre sang ? Mais « Pouvez-vous boire le calice que je dois-boire » ? pour les exciter ainsi à souffrir, par la gloire qu’ils auraient de participer à ses souffrances. Il donne ensuite à sa passion le nom de « baptême : Et être baptisés du baptême dont je serai baptisé » ? pour marquer que son sang devait expier tous les crimes de la terre. Ces deux disciples, emportés par le désir qu’ils avaient d’obtenir leur demande, répondent hardiment : « Nous le pouvons », ne sachant pas même ce que c’était qu’ils promettaient, et ne pensant qu’à obtenir ce qu’ils désiraient. « Jésus leur dit : vous boirez bien le calice que je boirai, et vous serez baptisés du baptême dont je serai baptisé. (23)». Je vous promets de plus grands biens que vous n’en désirez de moi. Je vous prédis que vous serez honorés du martyre, et que vous souffrirez comme moi ; que vous mourrez d’une mort violente, et que vous aurez part à mon calice. « Mais pour ce qui est d’être assis à ma droite ou à ma gauche, ce n’est point à moi à vous le donner, mais ce sera pour ceux à qui mon Père l’a préparé (23)». Après leur avoir relevé le cœur, et les avoir fortifiés contre la tristesse qu’ils devaient ressentir à sa passion, il leur fait voir avec une grande douceur que leur demande n’était pas assez réglée.
3. On fait d’ordinaire de, ux questions sur ces paroles de Jésus-Christ. La première : Si Dieu en effet a préparé à quelques-uns la gloire d’être assis à sa droite. Et la seconde : Si Jésus-Christ qui est tout-puissant et le maître souverain de toutes choses, ne peut faire à qui il lui plaît cet honneur qu’ils lui demandent. Il est certain pour le premier point que personne ne peut proprement être assis à la droite ou à la gauche de Dieu. Sa gloire est trop relevée, et sa majesté est trop au-dessus non seulement des hommes, mais des anges même, et de toutes les vertus célestes, pour que nulle créature puisse prétendre à un honneur réservé au Fils unique du Père. C’est ce que remarque saint Paul quand il dit : « Auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit : Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que j’aie réduit vos ennemis à vous servir de marche-pied. Aussi l’Écriture dit touchant les anges : Dieu se sert des esprits pour en faire ses ambassadeurs et ses anges ; mais, il dit au Fils : Votre trône, ô Dieu, demeurera dans tous les siècles des sièc1es » (Héb. 1,5)
Quant à la seconde question, comment Jésus-Christ, peut-il dire : « Ce n’est point à moi à donner à personne la grâce d’être assis à ma droite ou à ma gauche » ? Est-ce parce que cette place sera remplie par d’autres personnes à qui il ne l’aura pas donnée ? Dieu nous garde d’une imagination si fausse. Voici donc, ce me semble, comment nous devons entendre ces paroles de Jésus-Christ Il répond à ses disciples selon leur pensée. Il se rabaisse et se proportionne à leur faiblesse, il évite de