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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/521

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leur parler de ce trône de gloire qu’il a à la droite de son père, puisque ceux-ci n’avaient garde de le pouvoir comprendre, étant encore incapables de concevoir d’autres choses beaucoup moins relevées dont il leur parlait très-souvent. Tout le but de ces deux disciples, comme je l’ai déjà dit, était d’avoir la préséance sur tous les apôtres ; et après avoir ouï parler de ces douze trônes qu’on venait de leur promettre, ils tâchent d’obtenir pour eux les deux premiers, ne sachant ce que Jésus-Christ leur promettait par ces trônes.
Que leur répond donc le Sauveur ? Il est vrai, leur dit-il, que vous mourrez pour moi et pour la prédication de ma vérité il est vrai que vous aurez part à ma passion et à mes souffrances : mais cela ne suffit pas pour vous faire jouir de cette primauté que vous désirez. Car s’il se trouvait quelqu’un qui, outre le martyre qu’il aurait de commun avec vous, possédât encore toutes les autres vertus en un degré plus éminent que vous ne les auriez possédées, ne croyez pas que parce que je vous aime maintenant, et que je vous préfère aux autres, je voulusse vous mettre encore au-dessus de celui qui aurait été plus saint que vous.
Cependant, il ne leur dit cette vérité qu’obscurément, afin de ne pas trop les affliger : « Vous boirez », leur dit-il, « mon calice et vous serez baptisés du baptême dont je serai baptisé ; mais, pour être assis à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi à vous le donner, mats à ceux à qui mon Père l’a préparé ». Et à qui le Père l’a-t-il préparé, sinon à ceux qui se signaleraient par la sainteté de leur vie ?
Pour éclaircir ceci par un exemple familier, supposons qu’entre tous les athlètes il y en a deux aimés particulièrement par celui qui préside aux combats, qui le viennent prier de les préférer à tous les autres, et de leur donner le prix destiné à celui qui remportera la victoire. Ne leur pourrait-il pas répondre qu’il ne dépend pas de lui de leur donner cette récompense, mais qu’elle est réservée à ceux qui l’auront méritée par leur adresse et par leur courage ? Pourrait-on dire que cette réponse serait une marque de sa faiblesse et de son impuissance ? et ne dirait-on pas plutôt qu’elle serait une preuve de sa justice, puisque, dans cette distribution de récompenses, il n’a aucun égard aux personnes, mais seulement au mérite ? Comme donc cet homme ne passerait point alors pour impuissant, mais pour juste, disons de même que ce n’est point par faiblesse, mais par justice que Jésus-Christ ne peut donner à quelques-uns d’être assis à sa droite ou à sa gauche.
C’est pour cette raison qu’il exhorte si souvent ses disciples, de fonder toute l’espérance de leur salut, premièrement dans la grâce et dans la miséricorde de Dieu, et ensuite dans leurs travaux et dans leur courage. C’est ce qu’il marque lorsqu’il dit ici : « Mais à ceux à qui mon Père l’a préparé ». Car si d’autres vous surpassent en vertu, s’ils font des actions plus saintes que vous, comment les pourrais-je mettre au-dessous dé vous ? Croyez-vous que, parce que vous êtes mes disciples, vous serez aussi les premiers de tous, si la sainteté de votre vie ne répond au choix que j’ai fait de vous ? C’est donc en ce sens qu’il faut entendre les paroles de Jésus-Christ : « Ce n’est pas à moi à vous donner, etc. » Car on sait assez d’ailleurs qu’il est le maître de tout « et que tout le jugement lui a été donné », comme il dit lui-même. Il le témoigne assez par ce qu’il a dit à saint Pierre : « Je vous donnerai les clés du royaume des cieux ». Saint Paul confirme encore, cette vérité, lorsqu’il dit : « On me réserve une couronne de justice que le Seigneur, ce juste Juge, me rendra en ce jour-là ; non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui aiment son avènement ». (2Tim. 4) C’est-à-dire le premier avènement de Jésus-Christ, lorsqu’il a été vu parmi les hommes Puisque saint Paul dit que Jésus-Christ lui réserve la couronne de – justice, il fait bien voir qu’il est le souverain Juge, et que c’est lui qui donne les premiers rangs, puisqu’il est certain que nul des hommes ne sera assis avant saint Paul.
Que si Jésus-Christ parle obscurément en ce lieu, il ne s’en faut pas étonner. Il ménage ses apôtres et épargne leur faiblesse, les voyant encore si humains dans leurs désirs, et il leur répond ainsi en peu de mots pour ne les point attrister, et pour arrêter d’abord cette vaine contestation de préséance. « Alors les dix autres apôtres conçurent de l’indignation contre les deux frères (24) ». Ce mot d’ « alors » se rapporte visiblement au moment que Jésus-Christ reprit ses deux disciples. Tant qu’ils doutèrent des sentiments de Jésus-Christ sur ce point, ils ne témoignèrent