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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/527

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douleur qui la presse, se met enfin au-dessus de tout. Que, fait Jésus-Christ en cette rencontre ? « Alors Jésus s’arrêta, et les appelant à lui, il leur dit : Que voulez-vous que je vous fasse (32) ? Seigneur, lui dirent-ils, ouvrez-nous les yeux (33) ». Pourquoi leur demande-t-il ce qu’ils désiraient de lui ? C’est pour empêcher qu’on ne crût qu’il leur donnait autre chose que ce qu’ils lui demandaient. Car Jésus-Christ dans l’Évangile rend toujours témoignage devant tout le monde à la vertu, et à la foi de ceux qui s’approchaient de lui pour lui demander quelque grâce et il les guérit ensuite, soit pour exciter les autres par leur exemple, soit pour montrer aussi qu’ils étaient dignes de cette grâce. C’est ainsi qu’il traita la chananéenne, le centenier, et l’hémorroïsse ; cette dernière avait fait ce qu’elle avait pu pour rester cachée, mais elle n’y réussit point, et fut découverte devant tout le monde, après qu’elle eut été guérie. Ainsi l’on voit partout que Jésus-Christ affectait de révéler devant tout le monde la foi de ceux qui s’approchaient de lui. C’est ce qu’il pratique encore en cette rencontre, après que ces aveugles lut eurent témoigné ce qu’ils désiraient de lui. « Et Jésus ému de compassion leur toucha les yeux, et ils virent au même moment et le suivirent (34) ». Cette compassion de Jésus-Christ est la seule cause de leur guérison ; comme c’est la seule qui l’a fait venir dans le monde. Néanmoins, quoique ce soit sa grâce et sa bonté qui fasse tout, il cherche des personnes qui s’en rendent dignes ; or, ces aveugles l’étaient comme on le voit assez par les grands cris qu’ils font entendre et par leur persévérance à ne point se rebuter ; et enfin par cette reconnaissance si humble qu’ils témoignèrent après avoir reçu ce qu’ils souhaitaient. Ainsi leur courage paraît avant leur guérison, et leur reconnaissance après qu’ils l’ont reçue. C’est pourquoi l’Évangile ajoute « qu’ils le suivirent ».
« Et comme ils approchaient de Jérusalem étant déjà arrivés à Bethphagé, près de la montagne des Oliviers, Jésus envoya deux de ses disciples, leur disant (Ch. 21,1) : Allez-vous-en dans ce village qui est devant vous, et vous y trouverez aussitôt une ânesse liée et son ânon auprès d’elle, déliez-la et me l’amenez (2). Et si quelqu’un vous dit quelque chose, dites-lui que le Seigneur en a besoin ; et aussitôt il les laissera aller (3). Or tout ceci s’est fait afin que cette parole du Prophète fût accomplie (4) : Dites à la fille de Sion : Voici votre roi qui vient à vous plein de douceur monté sur une ânesse et sur l’ânon de celle qui est sous le joug (5) ». Jésus-Christ avait souvent été à Jérusalem ; mais il n’y avait jamais paru avec cet éclat. D’où vient donc qu’il y voulut alors entrer de la sorte ? C’est parce qu’au commencement de sa prédication n’étant pas encore fort connu, ni si près de sa passion, il se mettait indifféremment avec les autres comme un homme du commun, et cherchait plutôt à se cacher qu’à se découvrir. Car s’il eût voulu paraître plus tôt ce qu’il était, il ne se fût pas acquis tant de respect par sa modération, et on lui aurait porté plus d’envie. Mais enfin, après avoir donné tant de marques de sa puissance, et étant à la veille de sa passion, il fait paraître sa grandeur avec plus d’éclat, quoique ses adversaires ne la voient que d’un œil jaloux. Il aurait pu faire dès le commencement de sa prédication ce qu’il fait à la fin : mais cette humilité avec laquelle il s’est caché si longtemps nous est plus utile.
Considérez ici, mes frères, combien Jésus-Christ fait de miracles en un seul jour, et combien il accomplit de prophéties. Il prédit à ses disciples qu’ils trouveraient un âne, et ils le trouvent. Il les assure que personne ne les empêcherait de l’amener, et personne ne les en empêche. Et certes cette facilité était la confusion des Juifs et le sujet d’un grand reproche pour eux ; puisque ceux qui n’avaient peut-être jamais vu le Sauveur, lui accordent à la moindre parole tout ce qu’il désire ; pendant que les Juifs qui lui voyaient tous les jours faire tant de miracles et par lui-même et par ses disciples, ne peuvent se résoudre à le recevoir.
2. Ne regardez pas cette action comme une chose peu considérable. Car, qui a pu persuader à ces personnes apparemment pauvres et qui peut-être gagnaient leur vie par leur travail, de laisser ainsi emmener ces animaux sans s’y opposer, et non seulement sans s’y opposer, mais sans demander même pourquoi on les emmenait, ou comment après l’avoir demandé les laissaient-ils aller sans aucune résistance ? Car l’un et l’autre me paraît également admirable, ou de ne point s’opposer lorsqu’on emmenait leurs bêtes, ou de se contenter qu’on leur dît pour toute raison :