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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/526

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HOMÉLIE LXVI


« ET COMME ILS SORTAIENT DE JÉRICHO, IL FUT SUIVI D’UNE GRANDE TROUPE DE PEUPLE. ET DEUX AVEUGLES QUI ÉTAIENT ASSIS LE LONG DU CHEMIN, AYANT ENTENDU DIRE QUE JÉSUS PASSAIT, COMMENCÈRENT A CRIER : SEIGNEUR, FILS DE DAVID, AYEZ PITIÉ DE NOUS. ET COMME LE PEUPLE LES REPRENAIT ET LES VOULAIT FAIRE TAIRE, ILS SE MIRENT A CRIER ENCORE PLUS HAUT : SEIGNEUR, FILS DE DAVID, AYEZ PITIÉ DE NOUS ». (CHAP. 20,29, 30, 34, JUSQU’AU VERSET 12, DU CHAP. XXI)

ANALYSE.

  • 1. Ces aveugles, par leurs cris persévérants, nous enseignent à nous-mêmes la persévérance qui obtient tout de Dieu par elle seule.
  • 2. La vue de Jésus-Christ est notre modèle en tout.
  • 3-5. Qu’on donne au monde avec profusion et à Jésus-Christ avec parcimonie. Le saint rougit d’avoir parlé si souvent de ce sujet avec si peu de fruit. Qu’on doit donner aux pauvres, ce qui reste de son revenu sans vouloir augmenter son bien. Qu’il n’y a point de rente plus assurée que l’argent qu’on donne aux pauvres, ni de meilleur bien qu’on puisse laisser à ses enfants.


1. Dans le voyage que Jésus-Christ fait à Jérusalem, on peut considérer, mes frères, d’où il part, et encore plus par où il passe ; et pourquoi il ne va pas dans la Gaulée, mais passe par la Samarie. Nous laissons néanmoins cette dernière question à résoudre à ceux qui s’appliquent avec soin à l’intelligence de l’Écriture. Car si on examine bien ce que dit saint Jean on trouvera qu’il en marque la raison, quoique d’une manière assez obscure.
Poursuivons donc notre dessein, et écoutons ces aveugles qui étaient plus éclairés que beaucoup de ceux qui voient bien clair. Quoi qu’ils n’aient point de guide, et qu’ils ne puissent voir Jésus-Christ qui venait à eux, ils ont néanmoins un désir ardent de l’aller trouver. Ils crient vers lui, et plus on les veut faire taire, plus ils élèvent la voix. C’est là la marque d’une âme ferme et constante. Plus on s’oppose à elle, plus elle fait d’efforts pour vaincre tout les obstacles. Jésus-Christ permettait qu’on les pressât si fort de se taire, pour nous faire mieux reconnaître l’ardeur de leur foi, qui les rendait si dignes d’être guéris. C’est pourquoi il ne leur demande point comme il faisait à tant d’autres, s’ils croyaient qu’il les pût guérir. Leurs cris redoublés et les efforts qu’ils faisaient pour s’approcher du Sauveur, en rendaient un assez grand témoignage. Et ceci nous fait voir, mes frères, que quelque petits et méprisables que nous soyons, si nous approchons de Dieu avec ardeur et avec foi, nous pourrons obtenir par nous-mêmes tout ce que nous désirons. Nous ne voyons point qu’aucun des apôtres ait parlé au Fils de Dieu pour ces aveugles. Plusieurs au contraire tâchaient de leur fermer la bouche et de leur imposer silence, et néanmoins, malgré tous ces obstacles, ils ont trouvé enfin moyen de se présenter à Jésus-Christ. L’Évangile même ne témoigne pas que leur vertu ait pu leur donner cette confiance. La seule ferveur qu’ils font paraître en ce moment, leur tient lieu de tout.
Imitons-les, mes frères. Et quand Dieu différerait de nous donner ce que nous lui demandons, quand plusieurs s’opposeraient à nos demandes, ne cessons point de prier, puisque rien n’est plus capable d’attirer sur nous la miséricorde de Dieu que cette persévérance pleine de foi. C’est la grande instruction que nous donnent ces aveugles. Ni la pauvreté, ni la cécité ; ni l’inutilité de leurs cris, qui d’abord ne sont point exaucés, ni la violence de ce peuple qui veut les forcer à se taire, ne peut ralentir l’ardeur de leur zèle. Tant il est vrai qu’une âme qui a une grande foi dans la