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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/531

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votre revenu, ou la troisième partie, ou si vous voulez la quatrième, ou tout au moins la dixième. Je crois que, par la miséricorde de Dieu, la ville d’Antioche est dans un tel état, qu’elle seule pourrait nourrir chaque jour tous les pauvres de dix autres villes.
Nous en ferions aisément la supputation, si la chose n’était si claire qu’elle parle d’elle-même. Car je vous prie de considérer combien chaque maison fournit d’argent tous les ans pour des taxes et pour des dépenses publiques, sans vous appauvrir pour cela, et sans presque même que vous vous en aperceviez. Si donc chaque riche voulait ainsi se taxer lui-même pour nourrir les pauvres, il ne lui faudrait que très-peu de temps pour ravir le ciel. Après cela, quelle excuse nous restera-t-il, mes frères, lorsque nous verrons en rougissant que nous aurons été infiniment plus resserrés à donner aux pauvres que les gens du monde ne l’auront été à donner à des comédiens, quoique nous fussions assurés que cette libéralité sainte nous aurait été si avantageuse ?
Quand nous devrions vivre toujours sur la terre, nous serions néanmoins obligés d’être libéraux envers les pauvres ; mais devant en sortir si tôt, et en sortir nus et dépouillés de tout, comment nous excuserons-nous de ne leur donner rien de tant de biens dont nous jouissons ? Je ne vous ordonne point de diminuer votre fonds. J’avoue néanmoins que je le souhaiterais, mais je vous y vois peu disposés. Tout ce que je vous conjure donc de faire, c’est de donner au moins de votre revenu, et de n’en rien épargner pour le serrer dans vos coffres. N’est-ce pas assez que ces revenus coulent chaque jour dans vos maisons comme une source abondante qui ne tarit point ? Faites-en donc découler aussi quelque partie sur les pauvres, et soyez de sages économes des biens que Dieu vous a donnés.
Mais je paie, me direz-vous, tant de taxe et tant d’impôts. Négligerez-vous donc à cause de cela de donner l’aumône aux pauvres, parce que personne ne vous y contraint ? Quand vos terres n’auraient rien produit, vous ne laisseriez pas de payer ces impôts sans oser même vous plaindre : et lorsque Jésus-Christ vous traite avec tant de bonté, qu’il ne vous demande de vos biens que lorsque l’année a été abondante, vous refusez non seulement dé lui en donner, mais même de lui répondre avec douceur. Après une telle dureté qui pourra jamais vous délivrer de l’enfer ? Si les peines établies par la justice séculière, vous rendent si exact à payer tous ces impôts que l’on exige ; que ne vous souvenez-vous qu’il y a d’autres peines que celles qu’on souffre en ce monde, et qui sont infiniment plus à craindre, et qu’alors on ne vous renferme point dans un cachot, mais dans un abîme d’un feu éternel ? Que ce soit donc là les premiers tributs que nous ayons soin de payer à l’avenir, puisqu’en cette occasion notre fidélité ou notre négligence doit être suivie d’une éternité de biens ou de maux. Que si vous me dites que vous avez à nourrir beaucoup de soldats, qui vous défendent contre les barbares, considérez qu’il y a une autre armée de pauvres qui vous doit défendre contre les démons. Quand vous avez soin de les assister, ils attirent sur vous par leurs prières la grâce de Dieu, ils écartent de vous ces anges de ténèbres ; ils dissipent les pièges qu’ils vous tendent, ils arrêtent leurs efforts, et ils délivrent votre âme de leur tyrannie.
5. Puis donc que ce sont là les soldats qui combattent chaque jour pour vous contre le démon, exigez de vous-mêmes un tribut pour eux, et contribuez à leur subsistance. Nous avons un Roi qui est bien plus doux que ceux du monde. Il n’exige rien par violence. Il reçoit ce qu’en lui donne, quelque peu que ce puisse être, et s’il arrive que par quelque nécessité vous demeuriez longtemps sans lui rien payer, il ne vous force point de donner ce que vous n’avez pas. Ainsi n’abusons point de sa patience. Amassons-nous un trésor non de colère, mais de grâce et de salut ; non de mort, mais de vie ; non de confusion et de tourments, mais de joie et de gloire. Il ne sera point besoin de convertir en argent ce que vous avez, ni d’en payer le transport. Il suffira que vous le donniez aux pauvres, votre Seigneur fera tout le reste. Il le transportera dans le ciel, il vous en tiendra un compte exact ; et ce sera lui-même qui aura soin pour vous de tout ce trafic qui vous doit enrichir pour jamais.
Ce que vous lui donnez n’est pas comme ce que vous donnez aux rois de la terre. Votre argent périt pour vous, lorsqu’il, est employé pour faire subsister les soldats ; mais il vous demeurera tout entier et avec usure. Ce que vous donnez pour les impôts ne vous revient plus ; mais ce que vous donnez aux pauvres est toujours à vous, et vous le retrouverez avec un gain, non seulement temporel, mais même