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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/530

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à ses demandes si humbles, des réponses aigres et outrageuses. Si vous témoignez tant de répugnance pour lui donner seulement un peu de pain ou un peu d’argent, que feriez-vous s’il vous redemandait tout ce qu’il vous a donné ?
Vous voyez tous les jours des hommes qui veulent passer pour magnifiques, donner avec profusion des sommes immenses aux théâtres, à des femmes impudiques, et vous ne pouvez vous résoudre d’en donner à Jésus-Christ, non pas la moitié, mais la centième partie ? Le démon vous commande d’un côté de donner par vanité à ces personnes infâmes, et vous le faites, quoique vous soyez assurés de n’avoir point d’autre récompense de ces profusions que l’enfer ; Jésus-Christ vous commande de l’autre de donner aux pauvres, et vous promet le ciel même pour récompense, et non seulement vous ne le faites pas, mais vous les outragez de paroles. Vous aimez mieux obéir au démon en vous perdant, que d’obéir à Jésus-Christ en vous sauvant. Y a-t-il rien de plus déplorable que cette folie ? Le démon vous offre l’enfer, et Jésus-Christ le ciel, et vous quittez le ciel pour prendre l’enfer. Vous rebutez Jésus-Christ qui vient à vous, et vous appelez de loin le démon, afin de vous donner à lui. Ne faites-vous pas à Jésus-Christ le même outrage que vous feriez à un roi si vous le repoussiez, lorsqu’il vous offre la pourpre et la couronne, pour écouter un voleur qui vous présente une épée pour vous tuer ?
Comprenons donc notre aveuglement, mes frères. Ouvrons les yeux, quoique tard, et réveillons-nous enfin de notre sommeil. Je rougis de vous avoir parlé-si souvent de l’aumône et de n’en avoir pas retiré tout le fruit que j’en attendais. Je sais que quelques-uns ont fait quelque effort, mais on n’a pas fait encore ce que j’avais espéré. J’en vois quelques-uns semer, à la vérité, mais d’une main si resserrée, que je tremble quand je prévois quelle sera la moisson. Pour vous faire voir combien vous êtes resserrés dans vos aumônes, vous n’avez qu’à considérer dans cette ville quel est le plus grand nombre ou des riches ou des pauvres, et combien il y en a de ceux qui ne sont, ni extrêmement pauvres, ni aussi extrêmement riches, mais qui tiennent comme le milieu entre ces extrémités. Je crois que les personnes fort riches font la dixième partie de la ville, et que les gens fort pauvres font une autre dixième partie, et que le reste est entre ces deux états, c’est-à-dire, ni pauvre ni riche. Partageons donc ce nombre de personnes extrêmement pauvres dans toute la ville, et vous verrez dans ce partage quel sujet de confusion vous aurez de vos duretés. Le nombre des personnes fort riches est assez petit, mais celui des gens médiocrement riches est-très-grand, et celui des pauvres, tout à fait pauvres, est assez restreint relativement aux deux autres classes ; il s’ensuit que le nombre des gens pouvant faire l’aumône est très-considérable, et bien suffisant pour nourrir tous l-es pauvres ; et cependant, il y a tous les jours dans cette ville beaucoup de nos frères qui s’endorment le soir avant d’avoir pu apaiser leur faim ; non, je le répète, parce que nous sommes dans l’impuissance de les secourir, mais parce que notre dureté nous en ôte le désir. Car si les riches et ceux qui ont du bien médiocrement, avaient soin de partager entre eux tous les pauvres, à peine cent cinquante personnes en auraient-elles un à nourrir. Et cependant on voit les pauvres se plaindre tous les jours de leur misère au milieu de tout le monde qui les en pourrait délivrer.
Pour vous faire voir plus clairement jusqu’où va cette dureté des riches, considérez à combien de pauvres, de veuves et de vierges cette église distribue tous les jours les revenus qu’elle a reçu d’un seul riche, qui ne l’était pas même extraordinairement. Le nombre qui en est écrit sur le catalogue va jusqu’à trois mille, sans parler des assistances qu’on rend à ceux qui sont dans les prisons, de ceux qui sont malades dans les hôpitaux, des étrangers, des lépreux, de toue ceux qui servent à l’autel, de tant de personnes qui surviennent tous les jours, auxquelles elle donne la nourriture et le vêtement, sans que néanmoins ses richesses diminuent. Si seulement dix personnes riches voulaient assister ainsi les pauvres de leurs biens, on ne verrait plus un seul pauvre dans toute la ville d’Antioche.
4. Vous me direz peut-être Si nous dépensons ainsi notre bien, que laisserons-nous à nos enfants ? Vous leur laisserez au moins le fonds, et puis lé revenu si bien, dispensé, se multiplierait sans doute ; vos aumônes sont comme en dépôt dans le ciel où vous vous amassez un trésor. Que si cela vous paraît trop rude, ne donnez aux pauvres que la moitié de