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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/534

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même, s’élève contre eux avec force et avec zèle, et leur dit : « N’avez-vous jamais lu cette parole : Vous avez tiré la louange la plus parfaite de la bouche des petits enfants et de ceux qui sont à la mamelle (16)» ? C’est avec grande raison que le Prophète dit que c’est « de la bouche » que Dieu tire cette louange ; puisqu’il est visible qu’elle ne pouvait sortir du cœur de ces petits enfants, dont Dieu déliait la langue par sa vertu invisible, afin de leur faire publier des cantiques dont ils ne comprenaient pas le sens.
Cet événement figurait ce qui devait arriver un jour aux gentils, qui, après avoir été longtemps muets pour les louanges de Dieu, devaient ensuite élever leur voix dans le transport de leur foi et de leur amour. Ceci devait encore instruire et consoler beaucoup les apôtres. Car ils pouvaient demander eux-mêmes, comment étant si grossiers et si ignorants, ils pourraient un jour annoncer des mystères si élevés, leur divin Maître les lire de cette peine, par ce qu’il leur fait voir aujourd’hui, et leur fait conclure que celui qui déliait la langue de ces enfants pour chanter ses louanges, délierait aussi la leur pour prêcher son Évangile dans le Inonde entier. Ce miracle leur faisait connaître encore que Jésus-Christ était le créateur et le maître souverain de la nature. Ainsi, tandis qu’on voit des petits enfants si sages avant leur âge, qui publient les louanges du Sauveur, et dont les cantiques s’accordent avec ceux des anges, on entend au contraire des hommes faits qui ont perdu la raison, et qui parlent comme des furieux et des insensés. Car c’est ainsi que la passion et la malice renversent l’esprit. Mais Jésus-Christ les épargne, et les voyant si troublés et si animés, soit par les honneurs que le peuple lui avait rendus, soit par la manière dont il avait chassé les vendeurs du temple, soit par le grand nombre de miracles qu’il avait faits, soit par les louanges qu’il avait reçues de la bouche des enfants, il les laisse et sort de la ville. « Et les laissant là, il sortit de la ville et s’en alla en Béthanie, où il passa la nuit (17) ». II se retire pour apaiser par sa retraite leur indignation et leur haine ; parce que l’envie qui fermentait dans leurs cœurs leur aurait fait repousser avec animosité toutes ses paroles. « Le matin, comme il revenait à la ville, il eut faim (18) ». Comment a-t-il faim ainsi « dès le matin » ou quand le Sauveur avait-il faim, sinon quand il permettait à sa chair de souffrir cette faiblesse ? « Et voyant un figuier sur le chemin, il s’en approcha, mais n’y trouvant que des feuilles, il lui dit : Qu’à l’avenir il ne naisse jamais de toi aucun fruit, et au même moment ce figuier sécha (49) ». Un autre Évangéliste marque que ce n’était « pas encore la saison des figues ». Comment donc, mes frères, puisque ce n’était pas encore la saison du fruit, notre Évangéliste dit-il que Jésus-Christ vient en chercher à ce figuier ? N’est-il pas visible qu’il ne parle ainsi que pour nous marquer ce que les disciples croyaient de leur maître, et que comme ils étaient fort grossiers, ils crurent qu’effectivement Jésus-Christ venait chercher du fruit à cet arbre ? Car l’Évangile nous fait voir que les apôtres avaient ainsi assez souvent des pensées fort basses touchant le Fils de Dieu. Comme ils avaient donc eu cette pensée du Sauveur, ils crurent de même ensuite que cet arbre ne fut maudit que parce qu’il n’avait point de fruit.
Vous me direz peut-être : Si ce n’est point pour, ce sujet que cet arbre fut maudit, pour quelle raison l’a-t-il donc pu être ? C’était, mes frères, pour donner de la confiance aux apôtres. Car comme jusque-là Jésus-Christ n’avait fait que du bien aux hommes et qu’il n’en avait puni aucun, il fallait aussi qu’il donnât des preuves de sa toute-puissance, par la rigueur qu’il exercerait sur quelques – uns, et par la sévérité de ses jugements, afin que les apôtres et les juifs fussent très-persuadés qu’il pouvait réduire en poudre tous ses ennemis ; et que c’était volontairement qu’il s’offrait de lui-même au supplice de la croix. Mais il était trop bon pour donner sur les hommes des marques de ce que pouvait sa rigueur, et pour faire sur eux l’essai de sa justice toute-puissante. Il ne choisit pour cela qu’un arbre, dans la mort duquel il fait voir jusqu’où pourra aller sa colère et sa vengeance. Il ne faut donc pas rechercher si curieusement pourquoi des arbres et des plantes innocentes sont traitées avec tant de rigueur. Il ne faut point demander pourquoi ce figuier est maudit, puisque ce n’était pas la saison d’avoir du fruit. C’est blesser la raison que de raisonner de la sorte. Considérez seulement l’effet de la puissance de Jésus-Christ, et rendez gloire à celui qui fait de si grands miracles.
Quelques-uns se sont ainsi arrêtés à demander pourquoi Jésus-Christ précipita tant de