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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/535

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pourceaux dans la mer, et à vouloir justifier la conduite du Sauveur dans cette rencontre. Mais il ne faut point les écouter. Ces animaux étaient sans raison comme cet arbre sans sentiment. D’où vient donc que Jésus-Christ affecte de faire voir cette figure, et qu’il prend ce prétexte pour maudire cet arbre, sinon, comme j’ai dit, que l’Évangéliste suit la pensée que les apôtres avaient alors, quoiqu’elle fût sans fondement.
Que si ce n’était pas encore le temps pour cet arbre de porter du fruit, c’est en vain que quelques-uns disent que ce figuier marquait la loi, puisque le fruit de la loi était la foi, et que ce temps était venu, et qu’en effet elle l’a porté : « Les campagnes », dit Jésus-Christ, « sont déjà blanches et prêtes à moissonner. Je vous ai envoyés recueillir ce qui n’est pas venu par votre travail ». (Jn. 4,35) Ce n’est donc point le temps de la loi que Jésus-Christ veut exprimer en cet endroit ; son unique but, comme j’ai dit, est de faire voir qu’il est tout-puissant non seulement pour faire du bien, mais encore pour punir.
2. Cela est assez clairement indiqué par cette circonstance que l’Évangéliste relève : « que ce n’était point encore la saison du fruit ». Cette parole nous fait voir que Jésus-Christ n’allait pas en effet à cet arbre pour voir s’il y avait du fruit, mais seulement pour le bien de ses apôtres, que l’Évangile dit avoir été étrangement surpris de ce miracle. Quelques miracles qu’ils eussent déjà vu faire à leur Maître en tant de différentes manières, celui-ci leur paraît tout nouveau, en ce que Jésus-Christ y témoignait pour la première fois la souveraine puissance qu’il avait pour punir les crimes. Il choisit pour ce sujet celui de tous les arbres où ce miracle devait être plus surprenant, c’est-à-dire l’arbre le plus rempli de sève, et il le dessèche tout à coup. Mais, pour montrer clairement que ce miracle ne se faisait que pour les apôtres et pour leur donner de la confiance aux approches de la Passion, nous n’avons qu’à considérer la suite : « Ce que les disciples ayant vu, ils furent saisis d’étonnement, et se dirent l’un à l’autre : Voyez comme ce figuier est devenu sec en un instant (20). Jésus leur répondit : Je vous dis en vérité, si vous avez de la foi et si vous n’hésitez point, non seulement vous ferez ce que vous venez de voir en ce figuier ; mais quand même vous diriez à cette montagne : « Ôtez-vous de là, et jetez-vous dans la mer, cela se fera (21). Et quoi que ce soit que vous me demandiez dans la prière, vous l’obtiendrez si vous le demandez avec foi (22) ». Comprenez-vous enfin par ces paroles, mes frères, que Jésus-Christ n’a fait ce miracle que pour remplir ses apôtres de courage, et pour les empêcher de craindre les maux dont leurs ennemis les menaceraient ? C’est pourquoi il réitère ici par deux fois la même promesse pour les rendre plus ardents à l’oraison ; et pour réveiller leur foi davantage : « Non seulement », leur dit-il, « vous ferez ce que vous venez de voir en ce figuier », mais votre foi et votre oraison vous donneront tant de force et tant de confiance, que vous transporterez les montagnes d’un lieu à un autre.
« Étant arrivé dans le temple, les princes des prêtres et les sénateurs qui étaient les chefs du peuple, le vinrent trouver comme il enseignait, et lui dirent : Par quelle autorité faites-vous ceci, et qui vous a donné cette autorité (23) » ? Les Juifs toujours insolents et toujours aveugles viennent interrompre le Sauveur lorsqu’il instruisait le peuple. Ne pouvant décrier ses miracles, ils l’attaquent sur cette manière si forte, avec laquelle il s’était élevé contre ceux qui exerçaient dans le temple un trafic honteux. On voit dans saint Jean qu’ils font la même demande au Sauveur, non pas dans les mêmes termes, mais dans le même esprit. Car cet Évangéliste marque qu’ils lui dirent : « Par quel miracle nous montrez-vous que vous ayez droit de faire de telles « choses » ? (Jn. 18) Mais on voit que dans saint Jean Jésus-Christ leur fait cette réponse : « Détruisez ce temple et je le rétablirai en trois jours ». Mais saint Matthieu dit ici qu’il leur fit une autre question qui les jeta dans un étrange embarras. Ce qui nous fait voir comme je l’ai dit, que cette même action arriva deux fois : l’une au commencement des miracles et de la prédication de Jésus-Christ, et l’autre à la fin.
Cette demande donc « Par quelle autorité faites-vous ces choses » ? revient à ceci : Avez-vous été établi dans la chaire de doctrine ? Avez-vous reçu l’ordre de la sacrificature, pour vous attribuer une si grande puissance ? Cependant l’action de Jésus-Christ ne pouvait être blâmée comme une entreprise audacieuse, puisqu’elle ne tendait qu’à conserver l’honneur et le respect qui est dû au temple. Ils