Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/543

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ces vignerons, et qu’ils lui répondirent : « Non, que cela n’arrive pas ». Et que Jésus-Christ autorisa ce qu’il leur disait par l’oracle d’un prophète : car, les ayant regardés, il leur dit : « Pourquoi est-il donc écrit : la pierre qui a été rejetée par ceux qui bâtissaient, est devenue la principale pierre de l’angle ? Celui qui se laissera tomber sur cette pierre, se brisera, et elle écrasera celui sur lequel elle tombera ». (Ps. 77,21)
Saint Matthieu marque que ce furent les Juifs eux-mêmes qui prononcèrent leur arrêt. – Et l’on ne doit pas dire qu’il y ait ici aucune contradiction, il est probable que l’une et l’autre version sont vraies. Lorsque les Juifs se furent aperçus, après avoir rendu eux-mêmes cette sentence, que cette parabole les regardait, ils voulurent se rétracter, et Jésus-Christ leur fit voir par le Prophète que cela serait de la sorte. Mais comme la vocation des gentils pouvait leur donner un prétexte de le calomnier, il ne la leur énonce pas clairement. Il use à dessein de termes couverts et obscurs, en disant « qu’il donnerait cette vigne à d’autres ». Il avait affecté de se servir d’une parabole, afin qu’ils se condamnassent eux-mêmes. C’est ainsi que Dieu traita autrefois David, lorsqu’il lui fit prononcer son arrêt par lui-même dans la parabole de Nathan. Il ne faut point d’autre preuve de la justice de ce châtiment, que de voir les coupables s’y condamner les premiers.
Et pour montrer en même temps que ce ne serait pas seulement la justice qui attirerait sur les gentils une faveur qu’ils méritaient si peu, et que le Saint-Esprit avait prédit cette grâce longtemps auparavant, Jésus-Christ rapporte cette prophétie : « N’avez-vous jamais lu cette parole dans les Écritures : la pierre qui a été rejetée par ceux qui bâtissaient, est devenue la principale pierre de l’angle ; c’est le Seigneur qui l’a fait, et nos yeux le voient avec admiration (42) » ? Jésus-Christ montre de plusieurs manières qu’il rejetterait les Juifs à cause de leur incrédulité, et qu’il appellerait les gentils à la foi de l’Évangile. C’est ce qu’il avait déjà fait voir par la femme chananénne ; par cet ânon sur lequel personne n’avait encore monté, par le centenier, et par beaucoup d’autres paraboles qui prouvent la même chose que celle-ci. Il ajoute pour ce sujet : « C’est le Seigneur qui l’a fait, et nos yeux le voient avec admiration » ; marquant ainsi que les gentils qui croiraient, et que ceux d’entre les Juifs qui seraient fidèles, ne seraient qu’une même chose, quoiqu’auparavant il y eût entre eux une si prodigieuse différence. Et, pour leur apprendre qu’il n’y aurait rien dans ce changement si étrange qui fût opposé à Dieu, qui ne lui fût au contraire très-agréable, qui ne fût miraculeux et digne d’étonnement, il ajoute : « C’est le Seigneur qui l’a fait ». Il se donne à lui-même le nom « de pierre » ; et il appelle les Juifs architectes. C’est ce qu’Ézéchiel exprime lorsqu’il dit : « Ils bâtissent une muraille et la crépissent sans art ». (Ez. 13,1) Comment ont-ils « rejeté » Jésus-Christ, sinon en disant : « Cet homme n’est pas de Dieu, cet homme séduit le peuple ». Et ailleurs : « Vous êtes un samaritain et vous êtes-possédé du démon » ? (Jn. 7,8, 9)
Il leur fait voir ensuite que la punition que Dieu leur infligerait, ne se terminerait pas seulement à être rejetés de lui ; il marque les autres peines qu’ils doivent attendre. « C’est pourquoi je vous déclare que le royaume de Dieu vous sera ôté, et qu’il sera donné à un peuple qui en produira les fruits (43). Celui qui se laissera tomber sur cette pierre s’y brisera, et elle écrasera celui sur qui elle tombera (44) ». Il marque ici une double ruine des Juifs. La première, qui aurait lieu en ce qu’ils seraient scandalisés de Jésus-Christ, ce qui est marqué par ce mot : « Celui qui se laissera tomber sur cette pierre » l’autre en ce qu’ils seraient captifs ; celle-ci est exprimée par ce mot : « Elle écrasera celui sur qui elle tombera », ce qui marque la captivité et la misère horrible dans laquelle ils devaient vivre jusqu’à la fin du monde. On peut aussi remarquer en passant que ces paroles : « Elle écrasera celui sur qui elle tombera », marquent sa résurrection. Nous voyons dans le prophète Isaïe que Dieu fait un reproche à sa vigne, au lieu que Jésus adresse ici ces reproches au prince du peuple. Il dit là : « Que devais-je faire à ma vigne que je n’aie point fait » ? (Is. 5,2) Et il lui dit par un autre prophète : « Que vous ai-je fait, et que vos pères ont-ils trouvé de mal en moi » ? (Jer. 2,5) Et ailleurs : « Mon peuple, que vous ai-je fait, et en quoi vous ai-je offensé » ? (Mic. 6,3) Marquant par tous ces endroits leur ingratitude étrange qui leur avait toujours fait rendre le muai pour le bien et les plus