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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/545

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autres, il est certain néanmoins qu’elles trouvent bien du fiel et de l’amertume au milieu de tous ces plaisirs. Si un homme par exemple se trouve malheureusement engagé dans l’amour d’une comédienne, il souffrira plus qu’on ne souffre ni dans la guerre, ni dans les voyages, ni dans une ville qui est assiégée.
Mais pour ne point entrer dans ces œuvres de ténèbres, laissons le souvenir de ces maux à ceux qui ont été assez malheureux pour les éprouver, et considérons ce qui se passe dans la vie des hommes de quelque condition qu’ils puissent être. Vous verrez que leur état est aussi, différent de celui des solitaires, qu’un port tranquille et assuré l’est de la pleine mer au milieu de la tempête. Car je vous prie de considérer quel est leur bonheur, premièrement par le lieu qu’ils ont choisi pour leur demeure. Ils ont renoncé pour jamais au bruit des villes et de toutes les places publiques. Ils ont préféré à ces lieux pleins de tumulte le silence affreux des montagnes les plus reculées. Ils n’ont plus aucun commerce avec le monde. Rien de tout ce qui est sur la terre ne les inquiète plus. Ils ne sont plus exposés ni aux soins et aux peines de la vie, ni aux pertes qui accompagnent les richesses, ni aux ressentiments de la jalousie, ni à la violence d’un amour impur, ni enfin à toutes les autres passions qui rendent misérables ceux qu’elles possèdent. Ils ne vivent plus que pour le ciel où ils sont déjà en esprit, et ils se préparent dès ici par avance à ce royaume éternel. Ils s’entretiennent dans une solitude et une paix profonde avec les montagnes et les vallées, les fontaines et les ruisseaux et par-dessus tout avec Dieu, auquel ils parlent sans cesse dans leurs prières. Leur cellule est une demeure de silence-et de paix. Leur âme, dégagée du poids des vices et des maladies des passions, est toujours libre et légère, et elle s’élève en haut comme l’air le plus pur et 1e plus serein.

Toute leur occupation est semblable à cette d’Adam avant son péché, lorsqu’étant revêtu de gloire, il parlait familièrement à Dieu et demeurait dans ce paradis rempli de délices. Car quelle différence y a-t-il entre ces solitaires et Adam, lorsque, avant sa désobéissance, Il était dans ce jardin délicieux pour y travailler ? Il n’avait alors aucun soin de la vie comme ces bienheureux solitaires n’en ont point, il s’entretenait avec Dieu dans la joie d’une conscience pure, et ceux-ci le font avec d’autant plus de liberté et de confiance, que la grâce de Jésus-Christ, dont le Saint-Esprit les remplit, est plus grande que celle d’Adam. Vous devriez avoir vu vous-mêmes ce que nous disons, et en être plutôt les témoins que les auditeurs. Mais puisque vous négligez de le faire, et que cette occupation continuelle et ce tumulte de la ville ne vous le permet jamais, nous nous trouvons réduits à suppléer en quelque sorte à cela par – nos paroles, et nous sommes même contraints de nous borner dans ce dessein, et de vous représenter seulement une partie de ce que font ces saints hommes, parce qu’il serait impossible de décrire ici toute leur vie.
On voit donc ces lumières du monde se lever au point du jour, ou plutôt avant le jour, tenir leurs esprits et leurs pensées élevées en Dieu avec un cœur ardent et une âme libre et dégagée, une vigilance modeste, et une attention respectueuse. L’ennui, les soins, les maux de tète, la pesanteur du corps, la distraction des affaires ne les importunent jamais. Ils sont sur la terre comme les anges sont dans le ciel. Ils vont tous ensemble composer un chœur sacré, pour chanter avec une sainte allégresse et d’un commun accord des hymnes et des cantiques à Dieu, faisant voir sur leur visage la joie qu’ils ressentent dans leur cœur. Ils louent le Seigneur commun de tous, et lui rendent avec ferveur de très-humbles actions de grâce pour toutes les faveurs générales et particulières dont sa bonté comble les hommes. Nous venons de comparer cette vie avec celle d’Adam dans le paradis. Mais nous ne craignons pas maintenant de la comparer avec celle des anges mêmes, puisqu’ils que font clans le ciel que ce que ces saints hommes font sur la terre. Car ils chantent toujours comme ces esprits bienheureux : « Gloire soit à Dieu au plus haut des « cieux, et que la paix soit sur la terre et la « bonne volonté aux hommes ».
On ne leur voit point de ces habits qui traînent par terre, que la mollesse ou la vanité des hommes a inventés, Ils imitent dans le vêtement ces grands hommes d’autrefois, ces anges visibles sur la terre, ces bienheureux pères des solitaires, Élie, Élisée, et saint Jean-Baptiste. Les uns ont des habits de poil de chèvres, les autres de poil de chameaux, les autres se contentent de peaux et de cuirs assez usés.
Après avoir fini leurs saints cantiques, ils