Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/548

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

représenté dans ces solitaires que le bonheur, dont ils jouissent en cette vie. Car qui peut exprimer ces délices éternelles que Dieu leur prépare en l’autre ? Qui peut seulement comprendre ce repos si désirable, ce bonheur si incompréhensible, et ces biens si inestimables dont ils jouiront alors ? Je ne doute pas que quelques-uns d’entre vous ne soient touchés de ce que je dis, et que vous ne conceviez quelque amour pour cette vie, lorsque nous tâchons de vous la dépeindre telle qu’elle est. Mais quel avantage retirerez-vous si ce feu que j’allume ne brûle dans votre cœur qu’autant de temps que vous êtes dans l’église, et s’il s’éteint aussitôt que vous en sortez ? Pour prévenir donc ce mal, et pour empêcher que ce désir ardent ne se refroidisse, allez vous-mêmes voir ces anges de la terre, afin qu’il s’échauffe encore davantage par cette vue. Car un si saint spectacle fera sans doute plus d’impression sur vos esprits que but ce que je vous en pourrais dire.
Ne me dites point : avant que de partir, il faut que j’en parle à ma femme, et que je mette ordre à quelques affaires, par ce retard est une marque de l’indifférence que vous avez pour ces choses. Souvenez-vous que dans l’Évangile un homme n’a désiré qu’un peu de temps pour pouvoir donner ordre à sa famille, et que Jésus-Christ ne le lui a pas permis. Que dis-je, pour donner ordre à sa famille ? (Lc. 9,60) Un autre disciple ne voulant qu’ensevelir son père, Jésus-Christ ne le lui accorda pas ; et cependant il n’y a point de devoir de la piété chrétienne qui paraisse si nécessaire que d’ensevelir un père mort. D’où vient donc que Jésus-Christ n’accorde pas ce temps si court, sinon parce qu’il sait que le démon veille toujours pour nous tenter et pour chercher une entrée dans notre cœur, et que s’il peut nous Faire différer le moins du monde nos bonnes résolutions, il saura bien les détruire ensuite ? C’est pourquoi le sage nous donne cet avis si important : « Ne différez point de jour en jour ». (Sir. 5,7 ; 18, 21) Car c’est ainsi que vous réglerez mieux toutes choses, et que vous apporterez un meilleur ordre aux affaires de votre famille : « Cherchez premièrement », dit Jésus-Christ, « le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces autres choses vous seront données comme par surcroît ». (Mt. 6,33) Si nous prenons garde avec tant de soin que ceux qui négligent leurs propres affaires pour se charger des nôtres, ne manquent de rien ; combien plus Dieu pourvoira-t-il à toutes choses, lorsque nous serons à, lui ; puisque lors même que nous n’y sommes point, il ne laisse pas de veiller sur nous avec une bonté si particulière ? Ne vous inquiétez donc plus de tout ce qui vous regarde, mais déchargez sur la bonté de Dieu tous ces soins. Votre vigilance ne peut être que la vigilance d’un homme, mais Dieu veille sur vous en Dieu. Ne vous appliquez donc pas tout entier aux choses de la terre, en négligeant celles du ciel, de peur que Dieu n’abandonne aussi toutes vos affaires. Si vous voulez qu’il en prenne soin, abandonnez-vous à lui entièrement. Car si vous ne pensez qu’à vos affaires temporelles en négligeant les spirituelles, Dieu en aura d’autant moins de soin, que celui que vous en avez est contre son ordre. Si vous voulez donc que ce que vous aimez vous réussisse, si vous voulez être en même temps délivré de soin, attachez-vous aux choses spirituelles, et méprisez les temporelles. Ainsi vous posséderez la terre et le ciel ; et vous serez heureux dans le temps et dans l’éternité, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.