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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/556

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font généralement de toutes choses, de la nourriture, des habits, du logement, de la conversation et de la parole. Si quelqu’un écoutait leurs entretiens et les nôtres, et tés comparait ensemble, il verrait clairement qu’ils sont dignes d’être dans le ciel, et que nous sommes indignes d’être sur la terre.
Lorsque quelque grand ou quelque prince les va voir, c’est alors qu’on reconnaît le néant de tout ce qui paraît de plus magnifique dans le monde. On voit un solitaire accoutumé à remuer la terre, et qui ne sait rien de toutes les affaires du siècle, s’asseoir indifféremment sur un gazon auprès d’un général d’armée qui s’élève dans son cœur de l’autorité qu’il a sur tant d’hommes. Car il ne trouve là personne qui le flatte, et qui le porte à tenir son rang. Il lui arrive alors la même chose qu’à un homme qui s’approcherait d’un ouvrier en or, ou d’un lieu rempli de roses, et qui tirerait quelque éclat de cet or, et quelque odeur de ces fleurs. Ceux mêmes qui voient de près ces saintes âmes, tirent quelque avantage de l’éclat et de la bonne odeur de leur vertu, et rabaissent quelque chose de ce vain orgueil-où ils étaient avant de les voir. Comme nous voyons qu’un homme fort petit ne laisserait pas de se faire voir de bien loin s’il montait sur un lieu très-élevé ; de même ces grands du monde, en s’approchant de ces saints solitaires, paraissent quelque chose autant de temps qu’ils demeurent avec eux, mais lorsqu’ils sortent de leur compagnie, ils rentrent aussitôt dans leur première bassesse.
Les rois, ni les princes ne sont rien dans l’esprit de ces saints. Ils se rient de leur éclat et de leur vaine magnificence, comme nous nous rions des jeux des petits enfants. Et en effet, si on leur offrait le plus grand et le plus paisible royaume de la terre, ils n’en voudraient point, parce qu’ils n’ont dans l’esprit que cette principauté souveraine et éternelle, qui leur fait mépriser toute la grandeur passagère de celle du monde.
Qui nous empêche donc, mes frères, de sortir de notre bassesse pour aller voir ces âmes si heureuses et si élevées ? N’irons-nous jamais voir ces anges couverts du corps d’un homme ? « Ne nous revêtirons-nous » jamais comme eux « de ces vêtements si purs et si blancs », afin de nous présenter « à ces noces » spirituelles, avec une bienséance digne de Dieu ? Demeurerons-nous toujours dans notre première « pauvreté », mendiant misérablement notre vie « dans les carrefours », et ne différant en rien des pauvres qui nous demandent l’aumône, sinon peut-être en ce que nous sommes encore plus misérables qu’eux ? Un riche qui est méchant est bien plus malheureux qu’un pauvre qui est bon, et il vaut sans comparaison mieux demander l’aumône que de prendre le bien d’autrui. On excuse l’un, mais on punit l’autre. L’un n’offense point Dieu, mais l’autre offense également Dieu et les hommes ; et, après avoir bien travaillé pour amasser du bien par ses rapines, il en laisse souvent le fruit aux autres.
Comprenons ces vérités, mes frères : renonçons à l’avarice et au désir des biens de la terre. N’amassons que les biens du ciel, et ravissons, avec une sainte et généreuse violence, ce royaume que Dieu nous promet, pour y jouir du bonheur éternel que je vous souhaite par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire, dans tous les siècles des siècles. Ainsi-soit-il.