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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/559

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qui est cette image et cette inscription (20) » ? Il ne leur demandait pas ce qui était écrit sur cette pièce de monnaie comme l’ignorant, mais il voulait se servir de leurs propres paroles pour les confondre. « De César, lui dirent-ils. Jésus leur répondit : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (21) ». Il ne dit pas : « donnez, mais rendez ». Car en effet ce n’était que rendre à César ce qui était déjà à lui, comme le montrait la pièce d’argent et l’inscription qu’elle portait. Mais, pour les empêcher de lui reprocher qu’il les voulait retirer de l’assujettissement à Dieu pour les rendre esclaves des hommes, il ajoute aussitôt : « Et à Dieu ce qui est à Dieu ». Ce ne sont pas deux choses qu’on ne puisse allier ensemble, de rendre aux hommes ce qu’on leur doit, et à Dieu ce qui lui est dû. C’est pourquoi saint Paul a dit : « Rendez à chacun ce qui lui est dû ; le tribut à qui vous devez le tribut ; les impôts à qui vous devez les impôts ; la crainte à qui vous devez de la crainte ; et l’honneur à qui vous devez de l’honneur ».(Rom. 13,7) Mais lorsque le Fils de Dieu dit ici : « Rendez à César ce qui est à César », vous ne devez entendre ces paroles que dans les choses qui ne blessent point la piété ni ce que nous devons à Dieu, autrement ce serait payer le tribut non à César, mais au diable. « Ayant entendu cette réponse, ils l’admirèrent ; et le laissant ils s’en allèrent (22) » ; parce qu’il leur avait donné assez de preuves de sa divinité, en découvrant ce qu’ils avaient de caché dans le fond de l’âme, et en leur fermant la bouche par une réponse si douce et si sage. Eh bien ! Crurent-ils du moins en lui ? Nullement : mais lorsque ceux-ci l’eurent quitté, les sadducéens vinrent à leur tour lui proposer d’autres questions. « Ce jour-là les sadducéens qui nient la résurrection, vinrent à lui, et lui proposèrent cette question (23) ». Qui peut assez admirer une folie si aveugle ? Ils voient que Jésus-Christ a fermé la bouche aux pharisiens, et ils osent le tenter, lorsque la confusion les en devait empêcher. Mais c’est ainsi que la hardiesse est toujours jointe à l’impudence, et qu’elle entreprend insolemment des choses impossibles. Aussi l’Évangéliste, admirant un aveuglement si étrange, commence ce récit par ces mots : « Ce jour-là », c’est-à-dire le jour même que Jésus-Christ venait de confondre les pharisiens et les hérodiens, en découvrant la malice qu’ils cachaient dans le fond de leurs cœurs. Mais qui étaient ces sadducéens ? C’était une secte séparée de celle des pharisiens, qui n’était pas en si grand honneur, et qui avait des sentiments différents touchant la résurrection des morts. Car les sadducéens la niaient entièrement, et ils assuraient qu’il n’y avait ni esprit ni ange. Comme ils étaient plus grossiers que les autres, ils se bornaient aux choses corporelles et n’allaient pas plus loin. Il y avait ainsi plusieurs sectes différentes parmi les Juifs. C’est pourquoi saint Paul disait « qu’il était de la secte des pharisiens », secte qui était la plus célèbre. Ces sadducéens donc viennent tenter Jésus-Christ pour découvrir sa pensée touchant la résurrection des morts. Ils feignent une histoire qui ne fut jamais. Ils s’imaginent ainsi embarrasser Jésus-Christ, et avoir droit ensuite de se rire de sa facilité à les croire lis imitent les pharisiens en s’approchant comme eux avec une douceur apparente. « Maître, Moïse a ordonné que si quelqu’un mourait sans enfants, son frère épousât sa femme, et qu’il suscitât des enfants à son frère mort (24). Or il s’est rencontré sept frères parmi nous, dont le premier, ayant épousé une femme, est mort, et n’en ayant point eu d’enfants, il l’a laissée à son frère (25). Le second est mort de même, et le troisième après lui, et tous ensuite jusqu’au septième (26). « Enfin cette femme est morte aussi après eux tous (27). Quand donc la résurrection arrivera, duquel de ces sept sera-t-elle femme, puisqu’elle l’a été de tous (28) ? Jésus leur répondit : Vous êtes dans l’erreur, parce que vous ne comprenez ni les Écritures, ni la puissance de Dieu (29) ». Remarquez ici, mes frères, que Jésus-Christ répond à ces hommes, non pour leur faire des reproches comme aux pharisiens, mais pour les instruire. Car, bien qu’il y eût quelque malice dans leur question, il est certain qu’il y avait encore plus d’ignorance. C’est pourquoi il ne les appelle point « hypocrites », et ne leur dit point d’injures. Ils lui avaient parlé d’abord « de la loi de Moïse », pour empêcher qu’il ne trouvât mauvais qu’une même femme eût épousé sept frères. Mais tout cela, comme j’ai dit, n’était à mon avis qu’une feinte, puisqu’il est vraisemblable que les deux premiers frères étant morts, le troisième, épouvanté de cet accident, n’eût jamais voulu prendre cette personne pour femme, et encore moins le quatrième et les autres, qui n’en eussent eu que de l’horreur,