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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/558

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qualité des personnes (16). Dites-nous donc votre avis sur ceci : Est-il permis de payer le tribut à César, ou non (17) » ? Ils payaient déjà le tribut, puisque leur état était déjà passé sous la puissance des Romains. Mais comme ils avaient vu que Theudas et Judas avaient pour ce sujet été punis comme des séditieux, ils tâchaient d’engager insensiblement le Sauveur dans le même crime. Ils lui envoient donc leurs disciples avec les hérodiens pour lui faire cette demande artificieuse, afin que de tous côtés il fût comme environné de précipices, et que quelque réponse qu’il pût faire, il ne pût éviter le piège qui lui avait été tendu. C’était pour ce sujet qu’ils s’étaient adroitement liés avec les hérodiens, afin que s’il répondait en faveur des hérodiens, les Juifs eussent sujet de l’accuser ; ou que s’il favorisait les Juifs, les hérodiens le dénonçassent comme coupable de sédition.
Cependant Jésus-Christ avait déjà lui-même payé le tribut ; mais ils ne le savaient pas. Ils croyaient donc qu’il lui était impossible de s’échapper de leurs mains, et que de, côté ou d’autre il ne pouvait éviter sa raine. Ils aimaient mieux toutefois qu’il offensât plutôt les hérodiens que les Juifs. C’est pourquoi ils lui envoyèrent leurs disciples et ils voulurent que les scribes accompagnassent les hérodiens, afin que Jésus-Christ, intimidé de la présence de ces princes de la loi et craignant davantage de les blesser, il se portât plutôt à offenser les hérodiens et à leur donner sujet par sa réponse de le faire passer pour un factieux. Saint Luc fait entendre ceci, lorsqu’il dit que les Juifs lui firent cette question « en présence de tout le peuple », afin qu’il eût plus de témoins de sa réponse. Mais tous leurs artifices retombèrent enfin sur eux ; et ils ne tirèrent d’autre avantage de ce détestable conseil, que d’exposer leur malice et leur envie aux yeux d’une grande assemblée.
Et remarquez de quelle flatterie ils usent d’abord pour le surprendre : « Nous savons », disent-ils, « que vous êtes sincère et véritable ». Comment donc disiez-vous auparavant que c’était « un séducteur » ? qu’il séduisait le peuple, qu’il était possédé du démon et qu’il n’était pas de Dieu ? Enfin pourquoi le voulaient-ils tuer ? N’est-il pas visible qu’ils ne lui disent ceci que potine surprendre ? Ils se souvenaient que lorsqu’ils lui avaient un peu auparavant demandé trop insolemment et avec trop d’arrogance « par quelle autorité il faisait ce qu’il faisait », Jésus ne leur avait rien répondu. C’est pourquoi ils tâchent ici de le surprendre par une douceur feinte, ils espèrent par la flatterie pouvoir le porter à s’ouvrir enfin sur ce sujet et à dire plus librement quelque chose contre les lois et le gouvernement de l’État. Ils reconnaissent donc, quoique malgré eux, « qu’il enseignait la loi de Dieu dans la vérité, sans avoir égard à qui que ce soit », disaient-ils, « parce que vous ne considérez point la qualité des personnes ». On voit clairement qu’ils tâchent par tout ce discours de porter Jésus-Christ à se déclarer contre Hérode et à se rendre suspect à ce tyran comme s’il voulait renverser ses lois et son empire. C’est ce qu’ils attendaient avec impatience de Jésus-Christ, afin de le faire passer ensuite pour un séditieux et pour un rebelle. Car par ces mots « Vous n’avez égard à qui que ce soit, et vous ne considérez point la qualité des personnes », ils marquent visiblement Hérode et César. « Dites-nous donc votre avis sur ceci : Est-il permis de payer le tribut à César, ou non (17) » ? Hypocrites, vous demandez ici quel est l’avis du Sauveur, et vous témoignez le vouloir écouter comme votre oracle ! Que n’avez-vous donc pour lui la même déférence lorsqu’il vous instruit ? et pourquoi le méprisez-vous si souvent lorsqu’il vous parle de votre salut ? Mais remarquez bien leur artifice. Ils ne lui disent pas : Dites-nous ce qui est bon, ce qui est à propos, ce qui est juste et légitime ; mais dites-nous ce qu’il vous en semble. Leur unique but n’était que d’avoir quelque prétexte, afin de le faire passer potin un homme séditieux et ennemi des souveraines puissances. Ce que saint Marc exprime clairement, lorsque, marquant mieux ce dessein furieux qu’ils avaient de faire mourir Jésus-Christ, il rapporte qu’ils lui dirent : « Donnerons-nous le tribut à César, ou ne le lui donnerons-nous pas » ? Tant ils respiraient la fureur au dedans d’eux-mêmes, et tâchaient de la déguiser au-dehors sous des paroles respectueuses : Jésus-Christ leur répondit avec force. « Mais Jésus connaissant leur malice, leur dit : Hypocrites, pourquoi me tentez-vous (18) » ? Comme leur malice était à son comble et à découvert, il leur fait une sévère réprimande, pour les couvrir de confusion, et pour leur fermer la bouche il voulait aussi découvrir au-dehors la corruption de leurs pensées et la malignité de ces questions. Ce qu’il faisait pour abattre leur orgueil et pour les empêcher à l’avenir de le tenter de la sorte. En effet, quoique leurs paroles fussent en apparence toutes pleines de respect et d’estime ; quoiqu’ils l’appelassent « maître », qu’ils reconnussent qu’il « était véritable », quoiqu’ils lui rendissent témoignage qu’il « n’avait égard à qui que ce soit », et qu’il ne considérait point la qualité « des personnes » ; toutefois, étant Dieu comme il était, il ne pouvait être pris à ces pièges et à ces vains artifices. Ces méchants devaient donc conclure de la manière dont Jésus-Christ leur répondait, que ce n’était point à tort ou seulement par conjecture qu’il leur faisait ce reproche, mais par une connaissance certaine de ce qu’ils cachaient dans leur cœur. Jésus ne se contente pas néanmoins de leur avoir reproché leur « hypocrisie » ; et quoique ce fût assez d’avoir découvert ce qu’ils avaient de plus secret dans le cœur, il ajoute néanmoins encore quelque chose pour leur fermer la bouche par une réponse plus surprenante.
2. « Montrez-moi », leur dit-il, « la pièce d’argent qu’on donne pour le tribut (19) ». Et aussitôt qu’ils la lui eurent montrée, il fit ce qu’il avait coutume de faire, c’est-à-dire qu’il se servit de leur propre réponse pour les confondre, et pour leur laisser conclure à eux-mêmes que ce tribut était permis. « Ils lui présentèrent un denier, et Jésus leur dit : De