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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/56

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encore été suffisante pour les engager à ce long chemin. S’il fût né dans un palais et qu’il eût eu un roi pour père, on pourrait peut-être dire que le désir de complaire au père les eût portés à venir saluer l’enfant, afin de s’en faire un mérite, et de s’attirer son amitié ; mais ils n’espèrent point qu’il soit jamais leur roi : il sera, tout au plus, celui d’un peuple étranger et très-éloigné de leur pays, ce n’est encore qu’un enfant, pourquoi donc entreprendre un voyage si pénible ? pourquoi offrir des présents, principalement lorsqu’ils ne le peuvent faire qu’en s’exposant à un grand péril ? « Car Hérode, entendant cela, en fut troublé, et avec lui tout le peuple. » Mais, dira-t-on, ils ne prévoyaient pas ce trouble ni ces périls. Objection invraisemblable ; à moins d’être entièrement dépourvus de sens, ils devaient savoir qu’en entrant dans une ville gouvernée par un roi, en y annonçant ce qu’ils annonçaient, en indiquant un autre roi que le roi régnant, ils s’exposeraient infailliblement à mille dangers mortels.
Mais pourquoi adorent-ils un enfant encore dans les langes ? Si c’eût été un prince d’âge viril, on pourrait encore dire que l’espérance d’en tirer quelque secours les aurait portés à s’exposer pour lui à tous ces périls. Et néanmoins ç’aurait encore été une extrême folie à des Perses et à des étrangers, qui n’avaient aucune liaison avec les Juifs, de quitter pays, maison, parents, pour venir se mettre sous la domination d’un roi étranger.
Que s’il y eût eu en cela de la folie, il y en avait bien davantage à ce que des personnes sages vinssent de si loin adorer un enfant, exciter de grands troubles, et s’en retourner aussitôt. Car enfin quelle marque de royauté virent-ils en voyant une étable, une crèche, un enfant enveloppé de langes, et une mère très pauvre ?
Mais à qui font-ils ces présents qu’ils lui offrent, et pourquoi les lui offrent-ils ? Est-ce qu’il y avait quelque loi ou quelque coutume qui obligeât à rendre cet honneur à tous les rois à leur naissance ? Dira-t-on que ces mages parcouraient toute la terre, pour adorer ceux qu’ils savaient devoir un jour de pauvres devenir rois, et pour leur rendre leurs hommages avant qu’ils montassent sur le trône ? Cette supposition ne serait pas sérieuse.
Pourquoi donc l’adorent-ils ? Si c’était dans la vue de quelque avantage présent, que pouvaient-ils attendre d’un enfant, et d’une mère pauvre ? Si c’était pour quelque avantage à venir, d’où pouvaient-ils savoir que cet enfant se ressouviendrait un jour qu’ils l’auraient adoré dans le berceau ? Si l’on dit que la mère l’en eût pu faire souvenir, je réponds qu’ils devaient alors s’attendre à recevoir non la récompense, mais le châtiment pour l’avoir exposé à un danger évident. Car ils furent cause qu’Hérode, troublé par cette nouvelle, s’enquit avec soin du lieu où était cet enfant, et fit tout ce qu’il put pour le découvrir, et pour le tuer. En effet, publier qu’un particulier doit un jour devenir roi, n’est-ce pas le désigner au poignard, et lui susciter de toutes parts mille hostilités ?
Vous voyez donc combien on trouverait ici d’absurdités, si on considérait cette histoire humainement. Celles que je viens de relever ne sont pas les seules, une réflexion attentive en découvrirait bien d’autres. Mais en entassant trop de questions les unes sur les autres je n’arriverais qu’à vous causer une sorte d’éblouissement et de vertige ; contentons-nous de celles que nous avons proposées et cherchons-en la solution en commençant par l’étoile que virent les mages. Lorsque nous aurons examiné quel était cet astre ; d’où il était, s’il était de la nature des autres, si c’en était un nouveau, et d’une espèce différente, si c’était un astre en réalité ou seulement en apparence, nous comprendrons ensuite aisément le reste.
2. D’où nous viendra l’éclaircissement de ces doutes ? De l’Évangile même. Car pour juger que cette étoile n’était pas une étoile ordinaire, ni même une étoile, mais une vertu invisible, qui se cachait sous cette forme extérieure, il ne faut que considérer quel était son cours et son mouvement. Il n’y a pas un astre, pas un seul, qui suive la même direction que celui-ci. Le soleil et la lune et toutes les planètes et les étoiles, vont de l’Orient à l’Occident ; au lieu que cette étoile allait du Septentrion au Midi, selon la situation de la Palestine à l’égard de la Perse.
On peut prouver encore la même chose par le temps où cette étoile paraît. Car elle ne brille pas la nuit comme les autres, mais au milieu du jour et en plein midi, ce que ne peuvent faire les autres étoiles, ni la lune même, qui, bien que plus éclatante que les autres astres, disparaît néanmoins aussitôt que le