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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/565

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demandé ; de même ici lorsqu’on ne désire que savoir de lui quel est le premier commandement de la Loi, il y joint aussi le second qui n’était guère moins considérable que le premier, et que Jésus-Christ dit « lui être semblable ». Il leur fait remarquer en passant que toutes ces questions qu’ils lui faisaient, ne venaient que de l’envie et de l’aversion qu’ils avaient conçue contre lui : « Car la charité n’est point envieuse ». (1Cor. 13,14)
Mais pourquoi saint Matthieu dit-il clairement que ce docteur de la Loi vient à Jésus-Christ pour le tenter ; et que saint Marc dit au contraire que Jésus-Christ voyant ensuite qu’il avait si sagement répondu, lui dit : « Vous « n’êtes pas loin du royaume de Dieu ». (Mc. 12) Il n’y a point, mes frères, de contradiction dans ces paroles, puisqu’apparemment cet homme commença d’abord à parler à Jésus-Christ dans le dessein de le tenter, mais ayant depuis assez bien parlé, il mérita par la sagesse de sa réponse d’être loué de la bouche du Sauveur. Car Jésus-Christ ne le loua pas d’abord li ne le fit qu’après que ce docteur eut dit : « qu’il était vrai qu’en aimant son prochain on faisait plus que si l’on offrait à Dieu tous les sacrifices et tous les holocaustes du monde ». Ce fut alors que Jésus-Christ lui dit : « Qu’il n’était pas loin du royaume de Dieu » ; parce que ce docteur, ayant horreur lui-même de cette basse envie qui l’avait porté à le tenter, quitta cette disposition criminelle pour rentrer dans des sentiments d’admiration et de respect. Et c’est cette sorte de conversion qui est l’unique fin à laquelle se rapportent tous les préceptes de la loi, l’observation du sabbat, et les autres cérémonies.
Jésus-Christ loue ce docteur néanmoins avec assez de modération, et il ne le regarde pas encore comme parfait, puisqu’il lui déclare qu’il lui manquait quelque chose. Car en lui disant : « qu’il n’était pas loin du royaume de Dieu », il lui témoignait assez qu’il n’y était pas encore, et qu’il devait travailler à acquérir ce qui lui manquait. Que si Jésus-Christ loue ce docteur seulement parce qu’il reconnaît qu’il n’y avait qu’un seul Dieu, nous ne devons pas nous en étonner. Il faut au contraire juger par là que le Sauveur parlait souvent selon la Pensée et selon la disposition de ses interlocuteurs. Les Juifs, il est vrai, débitaient mille propos injurieux pour le Christ, mais ils n’ont jamais osé dire néanmoins qu’il n’y avait point de Dieu. D’où vient donc que Jésus-Christ loue ce docteur de ce qu’il a dit qu’il n’y « avait qu’un seul Dieu » ? Voulait-il en le louant de cette parole, nier qu’il fût Dieu lui-même aussi bien que son Père ? Dieu nous garde de cette pensée : mais comme le temps de découvrir sa divinité n’était pas encore venu, il laisse ce docteur dans son premier sentiment. Il le loue de la connaissance qu’il avait de l’ancienne loi, pour le disposer aussi et le rendre plus propre à recevoir la nouvelle que lui, Jésus-Christ, était venu prêcher dans le monde. D’ailleurs, lorsqu’on dit : « Qu’il n’y a qu’un Dieu, et qu’il n’y en a point d’autre que lui », cela ne doit point s’entendre, ni dans l’Ancien ni dans le Nouveau Testament, dans ce sens que l’on exclue la divinité du Fils ; mais seulement comme une marque qu’on rejette toutes les idoles : et je crois que c’est dans cette pensée que Jésus-Christ loua ce docteur, parce qu’il avait dit : « qu’il n’y avait qu’un seul Dieu ». Après donc que le Sauveur a satisfait à la question de cet homme, Jésus-Christ lui en fait une autre à son tour.
« Les pharisiens étant assemblés, Jésus leur fit cette demande : Que vous semble du Christ ? De qui doit-il être fils ? Ils lui répondirent : De David (41) ». Considérez, mes frères, combien de miracles et de prodiges, combien de questions et de réponses Jésus-Christ a faites avant celle-ci, combien il a donné de preuves par ses actions et par ses paroles de son égalité et de son union avec son Père, qu’il a loué même ce docteur de la loi d’avoir dit : « qu’il n’y avait qu’un seul Dieu » ; et que c’est après toutes ces précautions qu’il leur fait enfin cette question. Il semble qu’il veuille leur ôter tout sujet de dire de lui que, malgré tous les miracles qu’il avait opérés, il n’en était pas moins visiblement opposé à Dieu et à sa loi. Il les interroge donc enfin ici pour élever insensiblement leurs esprits, jusqu’à avouer eux-mêmes qu’il était Dieu. Nous avons vu ailleurs qu’en parlant à ses disciples pour savoir leurs sentiments touchant sa personne, il leur demande premièrement ce que les autres croyaient de lui, et qu’il leur dit ensuite : « Et vous qui dites-vous que je suis » ? Mais il n’use pas de cette conduite à l’égard des pharisiens, puisque, s’il leur avait demandé de la sorte ce qu’ils croyaient de lui ils lui eussent infailliblement répondu