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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/58

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grand astre, très différent de tous les autres, afin de les frapper par sa grandeur, par sa beauté et par la nouveauté de son mouvement. C’est à l’imitation de cette condescendance que saint Paul prit autrefois occasion d’un autel qu’il vit à Athènes, pour prêcher Jésus-Christ aux Athéniens, et qu’il se servit du témoignage de leurs poètes. C’est de circoncision qu’il parle lorsqu’il s’adresse aux Juifs ; c’est des sacrifices qu’il part pour annoncer la doctrine à ceux qui vivent encore sous la loi ancienne. Comme les hommes sont tout attachés à leurs coutumes et à ce qu’ils voient d’ordinaire, Dieu et tous ceux qu’il envoie pour travailler au salut des peuples s’en servent souvent pour les faire entrer dans la vérité.
Ne regardez donc point comme une chose indigne de la grandeur de Dieu d’appeler à lui les mages par une étoile, puisque vous blâmeriez par la même raison les cérémonies des Juifs, leurs sacrifices, leurs purifications, leurs néoménies, leur arche et le temple même. Toutes ces choses n’ont point eu d’autre origine qu’une grossièreté toute païenne. Dieu cependant, pour le salut d’un peuple enfoncé dans l’erreur, permit que les Hébreux l’honorassent comme les païens honoraient les démons, à quelques petites différences près, afin qu’en les retirant peu à peu de ces coutumes, il les élevât dans la suite jusqu’au faîte de la sagesse évangélique.
Il use donc de cette condescendance envers les mages, et il les appelle à lui par une étoile, afin de les faire passer ensuite à un état plus parfait et plus élevé. Mais après qu’il les a ainsi conduits comme par la main jusqu’à la crèche, il ne leur parle plus par une étoile, mais par un ange, parce qu’ils sont devenus plus parfaits et plus éclairés.
Dieu traita ainsi autrefois les Ascalonites et les peuples de Gaza. (1Sa. 5) Car les cinq villes des Philistins ayant été frappées d’une plaie mortelle après la prise de l’arche, et ne pouvant trouver aucun moyen de s’en délivrer, ils assemblèrent les devins, et s’informèrent du moyen de faire cesser cette plaie. Leurs devins leur répondirent qu’il fallait prendre des génisses qui n’eussent pas encore été domptées, et qui n’eussent porté qu’une fois, et les atteler au chariot où était l’arche, afin de les laisser aller où elles voudraient sans que personne les conduisît ; et ils assurèrent qu’on reconnaîtrait par là si cette plaie venait de Dieu, ou si elle était arrivée par hasard. Car si, dirent-ils, elles secouent le joug, auquel elles n’ont pas été accoutumées ; si le cri de leurs veaux les fait retourner à leur étable, ce sera une preuve que cette plaie est arrivée par hasard ; mais si elles marchent droit dans leur chemin sans s’y égarer, quoiqu’elles ne le sachent pas, et sans être touchées par le cri de leurs petits, ce sera une marque certaine, que c’est la main de Dieu qui aura frappé nos villes. Comme donc ces peuples crurent alors ces devins, et firent ce qu’ils leur avaient ordonné, Dieu, par une admirable condescendance, voulut bien se conformer à la parole des devins, et il ne crut pas indigne de lui de seconder leurs prédictions, et d’accomplir ce qu’ils avaient dit. Sa gloire alors éclata d’autant plus, que ses propres ennemis reconnurent sa grandeur, et rendirent témoignage à sa souveraine puissance.
On pourrait citer plusieurs autres exemples d’une semblable condescendance de Dieu l’apparition de l’ombre de Samuel, évoquée par la pythonisse (1Sa. 28), s’expliquerait suivant le même principe, et cette explication, vous la trouverez aisément vous-mêmes après ce que je viens de vous dire. Voilà les réflexions que je me borne à vous présenter sur l’étoile, mais en y songeant vous en trouverez bien davantage.
4. Maintenant reprenons le commencement du passage que nous avons lu : « Jésus donc étant né à Bethléem, qui est dans la tribu de Juda, au temps du roi Hérode, des mages vinrent d’Orient à Jérusalem (2). » Ces mages suivent la lumière d’une étoile, et les Juifs ne croient pas à tant de prophètes, qui avaient annoncé la naissance du Fils de Dieu ! Mais pourquoi l’Évangéliste marque-t-il avec tant de soin le lieu et le temps de cette histoire ? « Dans Bethléem », dit-il, « et au temps du roi Hérode. » Pourquoi encore a-t-il soin d’indiquer la dignité d’Hérode en ajoutant le mot de roi ? C’est pour distinguer cet Hérode de celui qui fit mourir saint Jean qui était Tétrarque, et non pas roi. Quant au lieu et au temps, il les rapporte pour rappeler à notre mémoire d’anciennes prophéties, l’une du prophète Michée qui avait dit : « Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n’es pas la plus petite entre les villes de Juda (Mic. 5,2) ; » et l’autre du patriarche qui avait marqué exactement le temps de la venue du Messie, et qui