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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/59

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pour en donner un signe évident, avait dit : « Les princes ne cesseront point dans la tribu de Juda, et les chefs sortiront toujours de sa chair, jusqu’à ce que Celui qui a été destiné de Dieu soit venu, et il sera l’attente des nations. » (Gen. 49,10)
Mais il faut voir d’où vint aux mages la pensée qu’ils eurent, ainsi que la résolution qu’ils prirent. Car je crois que leur foi n’a pas été l’ouvrage de cette étoile, mais de Dieu même, qui agissait dans leurs âmes, comme il agit autrefois sur l’esprit du roi Cyrus, pour le disposer à délivrer le peuple juif. Lorsque Dieu agit de la sorte, il le fait sans détruire le libre arbitre, puisque, lorsqu’il convertit saint Paul par une voix qu’il fit entendre du ciel, il voulut, en faisant voir sa grâce, faire voir en même temps la soumission et l’obéissance de cet apôtre.
Mais pourquoi, dites-vous, Dieu ne fit-il pas cette révélation à tous les mages ? C’est parce qu’ils n’y auraient pas tous ajouté foi, et que ceux-ci étaient mieux disposés que les autres. C’est ainsi que parmi tant de peuples sur le point de périr, Dieu n’envoya un prophète qu’aux seuls Ninivites, et que de deux larrons crucifiés avec Jésus-Christ, il n’y en eut qu’un qui fut sauvé. Admirez donc la vertu des mages, admirez non seulement le courage qu’ils ont eu de venir de si loin, mais la franchise qu’ils montrent envers Hérode. Pour qu’on ne les prenne pas pour des espions, ils s’expliquent franchement sur le guide qui les a conduits, comme sur la longueur de la route qu’ils ont parcourue. « Et ils demandèrent : Où est le roi des Juifs qui est nouvellement né ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus « l’adorer (2). » Ils ne craignent ni la colère du peuple ni la tyrannie du roi. C’est ce qui me fait croire que ces mages devinrent ensuite dans leur pays les prédicateurs de la vérité. Car après avoir parlé si hardiment à un peuple étranger, il l’auront fait encore beaucoup plus dans leur propre pays, principalement après avoir été instruits depuis par la parole d’un ange, et par le témoignage des prophètes. « Ce que le roi Hérode ayant entendu, il en « fut troublé, et avec lui toute la ville de Jérusalem (3). » Hérode pouvait raisonnablement craindre parce qu’il était roi, et qu’il craignait pour lui et pour ses enfants. Mais quel sujet de crainte pouvait avoir Jérusalem, à qui depuis si longtemps les prophètes promettaient un Messie sauveur, bienfaiteur, libérateur ? D’où venait donc le trouble de ce peuple ? De la même aberration d’esprit qui tant de fois lui avait fait mépriser Dieu lors même qu’il le comblait de biens, et qui lui faisait regretter les viandes d’Égypte au mépris de sa liberté si miraculeusement recouvrée. Mais considérez l’exactitude des prophéties. Car Isaïe avait annoncé ces choses longtemps auparavant : « Ils désireront », dit-il, « ils seront consumés, parce qu’un petit enfant nous est né et qu’un « fils nous a été donné. » (Is. 9,6) Cependant quelque trouble qu’ils ressentent, ils ne s’informent point de cette merveille qu’on leur annonce : ils ne suivent point les mages, ils ne témoignent pas la moindre curiosité en cette rencontre ; mais ils allient dans eux en même temps une négligence incroyable, avec une opiniâtreté inflexible. Ils devaient tenir au contraire, à grand honneur, la naissance de ce nouveau roi, qui déjà s’attirait l’hommage des Perses, et sous le règne duquel ils pouvaient se promettre de se rendre les maîtres du monde, puisqu’un commencement si illustre ne pouvait avoir que des suites glorieuses. Mais rien ne put changer leurs mauvaises dispositions, pas même le souvenir de la domination persane, à laquelle cependant il n’y avait pas encore très longtemps qu’ils avaient échappé. Quand même ils n’auraient eu aucune connaissance des sublimes mystères que Dieu devait accomplir, en ne consultant que l’événement dont ils étaient témoins, ils devaient tout naturellement se dire en eux-mêmes : Si ces étrangers tremblent déjà, et craignent si fort notre roi, lorsqu’il ne fait que de naître ; combien le craindront-ils davantage quand il sera grand ! combien donc allons-nous devenir plus puissants et plus glorieux que les autres peuples ? Mais rien de tout cela ne les peut toucher. Tel est l’assoupissement de leur indifférence, telle est la malignité de leur envie ; double vice que nous devons avec soin expulser de notre âme ; mais pour le combattre avec succès, il faut être plus brûlant que le feu. C’est pourquoi Jésus-Christ a dit : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et que désiré-je sinon qu’il s’allume ? » (Lc. 12,49) C’est aussi pourquoi le Saint-Esprit a paru en forme de feu.
5. Et après cela néanmoins nous demeurons plus froids que la cendre et plus insensibles