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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/588

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ne leur serviront de rien, pas plus que leurs regrets et leurs larmes autrefois ne purent empêcher que leur ville ne fût détruite. C’est pourquoi, mes frères, pendant que nous en avons le temps, appliquons-nous à faire le bien. Comme il fut inutile aux Juifs autrefois dans la ruine de leur ville de se repentir trop tard de leurs excès passés, il nous sera inutile de même de nous repentir de nos fautes, lorsque Dieu viendra nous juger. Le pilote ne petit plus sauver un vaisseau lorsque, par sa négligence, l’eau y entre de toutes paris et le coule à fond ; ni le médecin guérir un malade lorsqu’il est près de mourir. Il faut qu’il se hâte de secourir son malade avant qu’il meure, et l’autre son vaisseau avant qu’il périsse. A moins de cela tous leurs travaux seront inutiles. Puis donc qu’il n’y a plus de remède à attendre après, et que tant que nous vivons nous sommes continuellement malades, adressons-nous au Médecin de notre âme, et n’épargnons ni bien, ni travail pour la tirer de la maladie mortelle, afin que nous nous trouvions parfaitement guéris à la mort.
Ayons au moins autant de soin pour les maux de nos âmes que nous en avons pour nos serviteurs, lorsqu’ils sont malades. Quoique notre âme nous doive être sans comparaison plus chère que nos domestiques, puisqu’elle est beaucoup plus excellente que le corps ; je m’estimerais heureux, néanmoins si vous aviez le même soin pour l’une que vous en témoignez pour les autres. Mais si nous sommes assez injustes pour refuser à nos âmes une partie de nos soins qu’elle mériterait d’avoir seule tout entiers, quelle excuse pourrons-nous trouver, lorsque Dieu viendra nous juger à notre mort ?
4. Vous me direz peut-être : Mais qui est assez misérable ou assez lâche pour n’avoir pas au moins autant d’amour pour son âme qu’il en a pour son serviteur ? C’est vous, mes frères, qui êtes en cet état ; et, ce qui m’afflige, c’est que nous ayons une telle indifférence pour notre propre salut, que nous traitons notre âme avec plus de mépris que nos serviteurs mêmes. Quand ils sont malades nous faisons venir les médecins ; nous les mettons dans une chambre commode et séparée du bruit, nous les exhortons à bien obéir au médecin qui les voit, et à suivre ponctuellement ses ordonnances ; nous leur témoignons du mécontentement et de la douleur lorsqu’ils ne les ont pas gardées ; nous leur donnons des gardes pour les veiller et pour les empêcher de suivre leurs désirs déréglés. Si les médecins ordonnent des remèdes de grands prix, nous les achetons aussitôt. Nous sommes fidèles à suivre toutes leurs ordonnances, et nous avons soin de les bien récompenser de leur peine. Mais lorsque nous-mêmes nous sommes malades, ou plutôt quoique nous ne soyons jamais un moment sans être malades, nous n’appelons point les médecins, nous ne voulons pas faire la moindre dépense ; et nous avons plus d’indifférence pour notre âme, lorsqu’elle est si dangereusement malade, que nous n’en aurions pour le plus grand de nos ennemis s’il était dans le même état où nous nous trouvons.
Je vous dis ceci, mes frères, non pour blâmer le soin que vous avez de vos domestiques, mais pour vous exhorter d’en témoigner au moins autant pour vos âmes. Vous me demanderez peut-être ce que vous devez donc faire pour remédier à un si grand mal. Je vous le dis en un mot. Votre âme est malade, appelez un médecin pour la guérir. Ce médecin, c’est l’Évangéliste saint Matthieu. Ce médecin, c’est saint Jean le disciple bien-aimé. Présentez-vous à ces admirables médecins, et consultez-les pour savoir quel remède il faut appliquer aux maladies de votre âme. Ils vous le diront, Ils ne vous cacheront rien, et vous pouvez suivre toutes leurs ordonnances sans rien craindre, car ces grands hommes vous peuvent secourir, même après leur mort. Tout morts qu’ils sont, ils sont encore vivants, et ils nous parlent tous les jours.
Vous me répondrez peut-être que votre âme est tout occupée de son mal, et qu’elle n’a pas la liberté d’écouter leurs sages avis. Faites-lui donc violence afin qu’elle les écoute. Excitez ce qu’il y a en elle de plus raisonnable et de plus spirituel, et réveillez-la de son assoupissement ; faites paraître les prophètes devant elle, afin qu’ils l’assistent de leurs conseils. Ces médecins ne demandent point d’argent ni pour leur peine, ni pour les remèdes ; mais ils vous ordonnent seulement devons faire miséricorde à vous-même en la faisant aux pauvres. Pour tout le reste, vous verrez qu’ils vous donnent, au lieu de penser à rien recevoir de vous. Car en vous ordonnant d’être sobres, combien vous épargnent-ils de folles et d’inutiles dépenses. Ne vous enrichissent-ils pas, lorsqu’ils vous exhortent