Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/594

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

prêché dans tout le monde, afin que ces incrédules et ces ingrats ne puissent plus avoir de prétextes pour excuser leur infidélité. Car quel pourrait être ce prétexte, lorsqu’ils verront la puissance de Jésus-Christ éclater en un moment comme un éclair, et paraître jusqu’aux extrémités de la terre ?
J’ai déjà fait voir que saint Paul témoigne clairement que l’Évangile avait été annoncé, lorsqu’il dit : « L’Évangile que vous avez ouï a été prêché à toute créature qui est sous le ciel ». C’est là la plus grande preuve de la toute-puissance et de la divinité de Jésus-Christ, de voir en vingt ou trente ans au plus l’Évangile répandu dans tout le monde. Après cela donc la destruction do Jérusalem arrivera. C’est ce que Jésus-Christ marque dans la suite. Car il rapporte la prophétie de Daniel pour leur faire mieux croire qu’infailliblement leur ville serait détruite.
« Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation qui a été prédite par le prophète Daniel, établie dans le lieu saint : Que celui qui lit entende bien ce qu’il lit (15) ». Il entend par cette abomination la statue de celui qui assiégea leur ville, et qui l’ayant prise et ruinée mit sa statue au dedans du temple. Il ajoute « de désolation », parce que cela ne se fit qu’après que Jérusalem fut désolée. Il marque que cela arriverait encore du vivant de quelques-uns de ceux à qui il parlait, lorsqu’il dit : « Quand vous verrez l’abomination, etc. ». Et c’est ce qui fait voir la puissance souveraine de Jésus-Christ et la force des apôtres qui prêchaient dans tout le monde en même temps que les Juifs étaient chassés de tout le monde, que toute la terre les persécutait comme des rebelles, et que César même les bannissait de tout son empire.
3. C’est pourquoi il me semble qu’on peut comparer l’état des apôtres dans ce temps fâcheux à l’état de navigateurs qui se trouveraient sur mer dans une grande tempête, lorsque le ciel par ses foudres, l’air par ses ténèbres et la mer par ses flots, répandent l’épouvante de toutes parts, lorsque tous les vaisseaux sont menacés du naufrage, que les passagers mêmes sont divisés, que des monstres sortent des abîmes de la mer et entrent confusément avec les flots dans les navires, et que, la division étant au dedans, les pirates menacent encore au-dehors. Les apôtres, dis-je, étaient comme des hommes que l’on obligerait alors de prendre le gouvernail de ces vaisseaux sans avoir aucun art ni aucune intelligence pour les conduire, et d’aller combattre sans aucune apparence de pouvoir échapper d’un si grand péril, et néanmoins avec une espérance très certaine de la victoire. Car les gentils d’un côté avaient pour eux cette haine générale qu’ils portaient à tous les Juifs. Les Juifs d’ailleurs les haïssaient comme les violateurs de leur loi. Ainsi tout leur était contraire. Ils voyaient partout des écueils et des précipices de tous côtés et des bancs de sable. Les provinces, les villes, les maisons, tout le monde en général et chaque homme en particulier, leur faisait une guerre acharnée. Les empereurs et les princes, les magistrats et les particuliers, les villes, les provinces et les peuples entiers les persécutaient, et l’état où ils se trouvaient réduits était au-dessus de tout ce qu’on en peut dire. Les Romains avaient une haine mortelle contre tout le peuple juif, parce qu’il leur suscitait mille embarras. Et cependant tout cela n’arrêta point le cours de la prédication des apôtres. Après la prise et l’embrasement de Jérusalem, après tant de maux qu’y souffrirent ceux qui s’y trouvèrent enfermés, les apôtres, qui en étaient sortis, vont imposer aux Romains, malgré eux, de nouvelles lois et de nouveaux règlements de vie.
Qui n’admirera ce prodige, mes frères ? Les Romains peuvent défaire des troupes sans nombre et des armées entières de Juifs, et ils né peuvent se défendre de douze hommes pauvres, nus, ignorants, qui viennent les combattre sans armes. Quelle langue pourrait assez relever une si grande merveille ? Il y a deux choses qui sont principalement nécessaires à celui qui enseigne les autres. Il faut qu’il ait de l’autorité et qu’il soit aimé de ses disciples, et il faut aussi que les choses qu’il leur enseigne soient faciles à admettre, qu’elles leur plaisent, et qu’il les annonce dans un temps de paix et non de guerre et de trouble. Les apôtres étaient dans des circonstances toutes contraires, Car non seulement ils n’avaient nulle autorité par eux-mêmes, mais de plus ceux qui en avaient ne s’en servaient que pour séduire les hommes et pour les porter à les haïr, au lieu de les favoriser et de les aimer. Que s’ils s’acquéraient l’estime et l’amour de quelques-uns, ces persécuteurs les tourmentaient tellement qu’ils ne leur permettaient de demeurer en aucun lieu, voulant qu’ils fussent bannis de toutes les