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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/609

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témoigne, par ces paroles, que, lorsqu’il viendra, il surprendra les hommes dans leurs plaisirs, et qu’ils ne s’attendront point à le voir. Saint Paul dit la même chose : « Lorsqu’ils se diront : Nous sommes en paix et en sûreté, ils seront surpris tout d’un coup par une ruine soudaine (1Thes. 5,3) » ; et pour montrer encore mieux combien cette ruine serait inespérée, l’Apôtre ajoute : « Comme une femme grosse est surprise par les douleurs de l’enfantement ». Mais comment peut-on allier ces deux choses si contraires, et comment Jésus-Christ dit-il : « Aussitôt après ces jours d’affliction », puisque saint Paul, au contraire, dit que ce seront des jours de divertissements et de réjouissance ! Comment peut-on accorder la paix et la sûreté avec les afflictions et les maux ? Je réponds que les insensés regarderont ces temps comme des temps de paix et de toutes sortes de biens. C’est pourquoi saint Paul ne dit pas : « Lorsqu’ils seront en paix et en sûreté », mais « lorsqu’ils diront : Nous sommes en paix et en sûreté », se servant à dessein de cette expression pour nous marquer leur insensibilité, qui sera semblable à celle des hommes qui vivaient du temps de Noé, lesquels ne laissaient pas de passer leur vie dans les délices, quoique menacés de tant de maux. Mais les justes n’auront rien de cette dureté si insensible et de cette étrange frénésie, puisqu’ils passeront alors toute leur vie dans la douleur et dans l’amertume.
Jésus-Christ nous apprend ici que lorsque l’Antéchrist viendra, les pécheurs et tous ceux qui auront désespéré de leur saint, s’abandonner6nt à toutes sortes de plaisirs. Tout le monde sera plongé dans le luxe, dans les festins et la bonne chère. Et il cite un exemple qui a beaucoup rapport au sujet. Comme au temps de Noé, la vue même de l’arche qu’on bâtissait ne pouvait persuader les hommes que le déluge arriverait, et qu’ils ne laissaient pas de vivre toujours dans les délices, comme si Dieu ne les eût point menacés ; de même lorsque l’Antéchrist viendra, et qu’il traînera avec lui l’horreur et l’effroi par une infinité de maux dont sa venue sera accompagnée, les hommes néanmoins n’en auront aucune crainte. Ils vivront dans une entière assurance, parce qu’ils seront possédés de leurs plaisirs comme d’une ivresse profonde qui leur ôtera tout le sentiment et toute l’appréhension de l’avenir. C’est ce qui fait dire à saint Paul que les hommes seront aussi surpris de ces malheurs, « que l’est une femme grosse par les douleurs de l’enfantement ».
Mais pourquoi Jésus-Christ ne rapporte-t-il pas plutôt l’exemple des Sodomites que celui de Noé ? C’est parce qu’il aimait mieux rapporter l’exemple d’un malheur général et universel, afin que les cœurs les plus endurcis et les plus incrédules en fussent étonnés, et qu’ils jugeassent par le passé de ce qu’ils devaient craindre pour l’avenir il marque aussi, en rapportant cet exemple, qu’il est l’auteur de l’Ancien Testament et qu’il a fait tout ce qui est écrit, et il dit ensuite des choses qui font assez voir qu’il n’ignore pas quand viendrait ce jour.
« Alors de deux qui seront dans un champ, l’un sera pris et l’autre laissé (40). De deux femmes qui moudront dans un moulin, l’une sera prise et l’autre laissée (41) ».
Toutes ces circonstances, comme j’ai dit, font voir que Jésus-Christ n’ignorait pas quand viendrait le jour dont il parle, mais qu’il veut ôter aux apôtres le désir de s’en informer. Il connaît ce temps puisqu’il le compare aux jours de Noé ; il le connaît puisqu’il dit « que de deux qui seront dans la campagne, l’un sera pris et l’autre laissé » ; montrant en outre par ces paroles qu’il surprendrait indubitablement le monde ; et qu’il viendrait lorsque tous les hommes seraient dans la paix et dans le repos. Il dit aussi qu’il y en aurait deux dans « le moulin », pour montrer encore le peu de crainte qu’on aurait de son dernier avènement. Enfin, il fait voir, par ces divers exemples-, qu’il prendra et qu’il laissera indifféremment les esclaves et les maîtres : ceux qui vivent dans une pleine paix, ou dans le travail ; ceux qui sont dans les dignités ou dans les emplois les plus vils ; et comme il est dit dans l’Ancien Testament : « depuis celui qui est assis sur le trône jusqu’à la dernière esclave qui travaille dans un moulin ». (Ex. 11,15)
Comme Jésus-Christ avait déjà marqué avec quelle difficulté les riches se sauveraient, il montre au contraire ici qu’ils ne périraient pas tous, et que les pauvres ne seraient pas tous sauvés. Il assure qu’il s’en sauverait et qu’il en périrait de part et d’autre. Je crois qu’on peut encore conclure des paroles de Jésus-Christ qu’il viendra durant la nuit, et il semble