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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/610

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que saint Luc autorise ce sentiment : « Je vous dis qu’en cette nuit », dit cet Évangéliste, « deux seront dans le lit, et que l’un sera pris et l’autre laissé » (Lc. 17,35) Tout ceci, mes frères, ne fait-il pas voir combien Jésus-Christ pénétrait dans l’avenir ? Enfin, pour prévenir toutes les questions-superflues de ses disciples, il dit : « Veillez donc parce que vous ne savez pas à quelle heure votre Seigneur doit venir (42) ». Il ne dit pas qu’il ne le sait point, mais que ses apôtres ne le savent pas : « Vous ne savez pas à quelle heure votre Seigneur doit venir ». Après les avoir insensiblement conduits jusqu’à l’heure et comme au moment auquel son avènement doit arriver, et qu’il leur en a parlé avec tant d’étendue, il quitte aussitôt ce sujet, et il les entretient d’autres choses, afin qu’ils se préparent et qu’ils s’encouragent au combat. « Veillez », leur dit-il, leur montrant que ce n’est que pour ce sujet qu’il leur cèle ce jour dont il leur parle.
3. « Car sachez que si le père de famille était averti à quelle heure le voleur doit venir, il est certain qu’il veillerait, et qu’il ne laisserait pas percer sa maison (43). Vous donc aussi soyez toujours prêts, parce que le Fils de l’homme viendra à l’heure que vous ne pensez pas (44) ». C’est donc pour cela même qu’il les avertit de veiller et de se tenir toujours prêts, « parce qu’il viendra à l’heure qu’on ne l’attendra pas », afin qu’étant toujours comme en suspens et dans l’attente de ce jour, ils s’appliquent à la pratique des vertus. Il semble qu’il leur dise : Si les hommes savaient précisément le jour de leur mort, ils s’y prépareraient sans doute avec grand soin, mais pour les tenir continuellement dans une appréhension qui leur est si utile, je ne veux point les avertir de ce jour, afin qu’en l’attendant à toute heure, ils soient dans une perpétuelle vigilance. Il s’appelle ici « Maître » et « Seigneur », aussi visiblement qu’en aucun autre endroit de l’Évangile. Ce qu’il fait, à ce qu’il me semble, pour confondre notre lâcheté et notre extrême indifférence. Les hommes du monde, leur dit-il, sont plus vigilants pour garder leur or, que vous ne l’êtes pour travailler à votre salut. Ils sont sur leurs gardes contre les voleurs et veillent pour n’être pas pillés ; et vous, lorsque vous êtes assurés que votre Seigneur même doit venir, vous ne pouvez veiller pour l’attendre, afin de n’être pas surpris lorsqu’il viendra et qu’il vous fera paraître en sa présence. Pourquoi un père de famille, qui est averti que les voleurs veulent le surprendre, veille-t-il pour se défendre de leurs efforts, et que vous, qui êtes avertis aussi par moi-même que je dois venir, vous ne veillez pas afin que je ne puisse vous surprendre ? Ce sommeil alors sera mortel, et tous ceux qui sont dans l’assoupissement tomberont indubitablement dans les maux que je vous prédis.
Après avoir parlé avec beaucoup d’étendue du jugement à venir, il adresse maintenant la parole aux docteurs et aux pasteurs de l’Église, et il leur marque quels supplices ils doivent craindre, ou quelle récompense ils doivent attendre. Il parle premièrement des bons, et il finit son discours en menaçant les méchants. « Qui est le serviteur fidèle et prudent que son maître a établi sur tous ses serviteurs, afin qu’il leur distribue la nourriture au temps qu’il faut (45) ? Heureux ce serviteur si son maître à son arrivée le trouve agissant ainsi (46) » Croyez-vous, mes frères, qu’en parlant ainsi : « Qui est le serviteur » ? Jésus-Christ ignore en effet quel il est ? Tout à l’heure en entendant cette parole : « Nul ne le sait », pas même le Fils, vous prétendiez pouvoir conclure que le Fils de Dieu ignorait littéralement le dernier jour du monde ; de cette parole-ci : « Qui est n le serviteur, on pourrait tout aussi bien conclure que Jésus-Christ ignore quel est le bon serviteur. Direz-vous donc aussi que Jésus-Christ ne connaît pas qui est le serviteur prudent et fidèle ? Je ne crois pas qu’il y ait personne d’assez déraisonnable pour oser le dire. On pouvait au moins se couvrir de quelque prétexte dans cette autre parole, mais dans celle-ci on ne le peut plus. Quoi donc ! lorsque Jésus-Christ demandait à saint Pierre : « Pierre, m’aimez-vous {Jn. 21,15) » ? ignorait-il en effet que cet apôtre l’aimait ? Ou lorsqu’il disait de Lazare : « Où l’avez-vous mis (Id. 11,34) » ? ne savait-il pas le lieu dans lequel on l’avait enseveli ? Ne voit-on pas que le Père même parle aussi de cette manière ? N’est-ce pas lui qui disait à Adam : « Adam, où Êtes-vous » (Gen. 3,9) Et ailleurs : « Le cri de Sodome et de Gomorrhe s’est multiplié devant moi. Je descendrai donc pour voir s’ils agissent en effet selon le cri qui vient à moi, ou si cela n’est pas, afin que je le sache », (Gen. 18,20)