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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/615

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meilleur moyen d’être bien uni à Jésus-Christ, c’est de faire ce qu’il nous commande ; et son grand commandement c’est celui par-lequel il nous ordonne de nous aimer les uns les autres.
Ne voyons-nous pas aussi que Jésus-Christ dit à saint Pierre : « Si vous m’aimez, paissez mes brebis (Jn. 15) », et que par trois diverses fois, il lui dit que ce sera là la marque par laquelle il témoignera qu’il l’aime. On ne doit pas regarder ces paroles comme étant dites seulement pour les pasteurs de l’Église. Elles le sont pour chacun de nous, à qui Jésus-Christ n’a commis qu’un petit troupeau, mais qui pour être petit ne doit pas être négligé, puisque Jésus-Christ dit lui-même que son Père céleste y trouve son plaisir et ses délices. Chacun de vous dans sa famille a quelques-brebis. Qu’il ait soin de les conduire et de les nourrir. Aussitôt qu’un père est levé du lit, qu’il ne pense à autre chose jusqu’au soir qu’à faire et à dire ce qui peut contribuer au bien et à l’avancement de sa famille. Qu’une femme ait le même soin. Il est bon qu’elle pense à son ménage, mais qu’elle s’applique encore davantage au salut de toute sa maison, et qu’elle ait soin que chacun se sauve et travaille à gagner le ciel.
Si dans les choses séculières nous avons soin de nous acquitter d’abord des droits publics et des taxes imposées par le prince, avant que de penser aux affaires domestiques et particulières, de peur qu’en négligeant ces premiers devoirs nous n’encourrions les sévérités de la loi avec la honte d’être tramé sur la place publique et mis en prison. Combien est-il plus raisonnable, dans les choses spirituelles, de nous acquitter d’abord de celles – qui regardent Dieu notre Créateur et le Roi commun de tous, de peur que le mépris que nous aurions pour ce qui le regarde, ne le porte à nous jeter dans ces lieux horribles, où il n’y aura que des pleurs et des grincements de dents ?
Appliquons-nous donc toujours à ces vertus qui nous sont si salutaires à nous-mêmes, et qui sont en même temps si avantageuses à nos frères. Pratiquons l’aumône, et ensuite la prière. Nous voyons même dans l’Écriture que la prière tire sa force de l’aumône, et qu’elle lui donne comme des ailes : « Vos aumônes », dit l’Ange dans les Actes, « et vos prières sont montées devant le trône de Dieu ». (Act. 10,4) L’aumône ne donne pas seulement de la force à la prière, elle en donne même au jeûne. Si vous jeûnez sans faire l’aumône, Dieu n’agréera pas votre jeûne. Il le regardera avec plus d’horreur que les excès de ceux qui s’enivrent et qui se remplissent de viandes, et il en aura d’autant plus d’aversion, que la cruauté est encore plus détestable à ses yeux que les débauches.
Mais que dis-je, que le jeûne prend sa force de l’aumône, puisque la virginité même en tire tout son éclat, et que sans elle, les vierges les plus irréprochables sont chassées de la chambre nuptiale de l’Époux céleste ? Considérez, mes frères, ce que je vous dis. Quoi de comparable à la virginité, cette vertu si rare et si excellente que Jésus-Christ n’a pas voulu, dans le Nouveau Testament même, en faire une loi pour les Chrétiens ? Et néanmoins la virginité n’est rien sans l’aumône, et si une vierge n’est charitable, elle sera rejetée de son Époux. Que si cela est ainsi, comme on n’en peut pas douter, qui peut espérer de se sauver en négligeant de faire l’aumône ? Ne faut-il pas que celui qui ne la fait point en cette vie, périsse nécessairement dans l’autre ? Nous voyons dans la conduite du monde que nul ne vit pour lui-même. Les artisans, les laboureurs, les marchands et les gens de guerre, contribuent tous généralement au bien et à l’avantage des autres. Combien plus devons-nous faire la même chose dans ce qui regarde les âmes et les biens spirituels ? Celui-là vit proprement qui vit pour les autres. Celui qui ne vit que pour lui, sans se mettre en peine des autres, est un homme inutile au monde, ou plutôt ce n’est pas un homme, puisqu’il ne prend aucune part au bien général de tous les hommes.
Vous me direz peut-être : Me conseillez-vous donc d’abandonner mes propres affaires, pour me charger de celles des autres ? Ne vous trompez point, mes frères : Celui qui prend soin des intérêts de son prochain, ne néglige point ses intérêts propres. En servant les autres il est utile à lui-même. Celui qui a soin des intérêts des autres, bien loin de blesser personne, a, au contraire, compassion de tous ceux qui souffrent ; il les assiste en tout ce qu’il peut, il n’est point voleur, il ne désire rien de ce qui appartient aux autres ; il ne porte point de faux témoignage ; il s’abstient de tous les vices, et il embrasse toutes les vertus. Il prie pour ses ennemis : il fait du bien à