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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/86

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« de pénitence. » (Mt. 3,8) Saint Paul nous enseigne que ce qui a éloigné les Juifs de Jésus-Christ, c’est de n’avoir pas voulu reconnaître et condamner leurs péchés. Comme le souvenir et le regret de leurs fautes était le plus puissant aiguillon qui pût les porter à désirer un Sauveur, c’est pourquoi Jean vient au monde pour les faire entrer dans une disposition si sainte. Il les exhorte d’avoir recours à la pénitence, non pas pour être punis de leurs crimes, mais afin que leur pénitence les rendant plus humbles, et que s’accusant eux-mêmes de leurs désordres, ils se hâtassent de courir au pardon que Dieu leur offrait. C’est ce que l’Évangile marque très-exactement. Car après avoir dit : « Qu’il était venu prêcher le baptême de la pénitence dans le « désert de la Judée. » (Lc. 3,3) Il ajoute aussitôt : « Pour la rémission des péchés ; » comme s’il disait, qu’il est venu pour les exhorter à confesser leurs péchés, et à en faire pénitence, non pas pour les en punir, mais pour leur en faire recevoir plus aisément la rémission. Car s’ils ne se fussent point condamnés eux-mêmes, ils n’eussent point eu recours à la grâce ; et ne cherchant point la grâce du Sauveur, ils n’eussent pu obtenir la rémission de leurs péchés. Le baptême de saint Jean était donc une préparation à celui de Jésus-Christ. Et c’est pour ce sujet que l’Évangile ajoute : « Afin qu’ils crussent en celui qui devait venir après lui », marquant ainsi une autre raison du baptême qu’il prêchait. Car il n’eût pas été convenable que saint Jean allât de maison en maison mener Jésus-Christ comme par la main, et exhorter chacun en particulier de croire en lui ; mais il fallait qu’en présence de tout le monde et à la vue de tous, cette voix de tonnerre descendît du ciel, et que tout le reste s’accomplît comme il l’a été. C’est donc dans ce dessein que Jean est venu baptiser. Car la réputation de celui qui baptisait, et le sujet pour lequel il le faisait, attirait en foule tout le peuple au Jourdain, comme à un théâtre célèbre. Il commence par réprimer leur orgueil. Il leur persuade de ne point avoir des sentiments élevés d’eux-mêmes : et il leur représente qu’ils s’exposent aux plus grands supplices, s’ils ne font une prompte pénitence, et si, renonçant à cette vanité qu’ils tiraient d’être sortis d’Abraham et de leurs autres aïeux, ils ne recevaient de tout leur cœur la grâce de Jésus-Christ.
Il leur parlait en un temps où non seulement la grandeur, mais encore la présence de Jésus-Christ était cachée aux hommes, et quelques-uns même le croyaient mort et enveloppé dans ce massacre de Bethléem. S’il se montra dès l’âge de douze ans dans le temple, ce ne fut que pour un moment, et il rentra aussitôt dans sa vie obscure et cachée. Il avait donc besoin pour se faire connaître sur la terre d’un début éclatant, et qui fît beaucoup de bruit. C’est dans ce dessein que saint Jean commence à leur dire clairement des choses que jamais les Juifs n’avaient entendues des prophètes, ni d’aucune autre personne. Il ne leur parle plus comme on avait toujours fait, d’un bonheur terrestre et passager. Il leur annonce le royaume des cieux et par ce royaume il marque le premier et le second avènement de Jésus-Christ.
Mais d’où vient qu’il parlait ainsi aux Juifs, puisqu’ils ne comprenaient pas ce qu’il disait ? Saint Jean répondrait ainsi lui-même à cette demande : Je leur parle de ce qu’ils ne comprennent pas, afin que l’obscurité même de ce que je leur dis les réveille, et les porte à rechercher celui que je leur annonce. Nous voyons aussi qu’il a tellement tâché de les animer et de relever leurs espérances, que les publicains et les soldats même venaient lui demander ce qu’ils devaient faire pour régler leur vie : ce qui fait bien voir qu’ils s’étaient déjà dégagés des soins de la terre, qu’ils jetaient la vue sur des biens plus grands, et qu’ils s’occupaient l’esprit de ce qui devait arriver un jour. Car tout ce qu’ils voyaient dans saint Jean et tout ce qu’ils lui entendaient dire, les portait à des sentiments plus purs et plus élevés.
Représentez-vous, je vous prie, quel étrange prodige c’était de voir paraître tout d’un coup sur le bord du Jourdain un homme qui venait de passer trente années dans le fond d’un désert, qui était fils d’un pontife, qui s’était toujours privé des choses les plus nécessaires à la vie et qui, admirable en toutes choses, était encore recommandable par le témoignage et par l’éloge du prophète Isaïe qui semblait dire clairement : Voilà celui que je vous ai prédit il y a si longtemps et que je vous ai marqué comme devant crier et prêcher dans le désert. Les prophètes avaient pris le soin d’annoncer si exactement tout ce qui se devait faire alors, qu’ils ne s’étaient pas contentés