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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/87

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de parler du Maître, mais qu’ils avaient dit même beaucoup de siècles auparavant quel devait être son précurseur, qu’ils n’avaient pas seulement marqué sa personne, mais même le lieu où il devait demeurer, la prédication qu’il devait faire et le fruit qu’elle devait produire parmi le peuple.
3. « C’est lui dont il a été dit parle prophète Isaïe. On entendra dans le désert la voix de celui qui crie : Préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers. » Il est bon de considérer le rapport qui se trouve sinon dans les paroles, du moins dans les pensées d’Isaïe et de saint Jean. Isaïe dit de saint Jean que lorsqu’il viendra il criera : « Préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers. » (Is. 40,3) Et saint Jean disait : « Faites de dignes fruits de pénitence. » (Lc. 3,8) Vous le voyez, et la prédiction d’Isaïe et la prédication de Jean montraient une seule et même chose, savoir : que Jean était le précurseur du Messie et qu’il lui préparerait la voie, non en donnant la grâce et en remettant les péchés ; mais en disposant les cœurs à recevoir le Seigneur et le Dieu de l’univers.
Saint Luc va plus loin, il ne se contente pas de rapporter seulement le commencement de la prophétie, il y ajoute encore la suite : « Toute vallée », dit-il, « sera remplie, et toute montagne et toute colline sera abaissée. Les chemins tortus deviendront droits, et les raboteux seront aplanis et tout homme verra le Sauveur envoyé de Dieu. »(Lc. 3,5) Voyez-vous comme le prophète embrasse tous les événements, et le concours du peuple, et l’heureux changement qui devait s’opérer, et la facilité de la doctrine, et la cause qui devait tout mettre en mouvement ? Isaïe s’exprime allégoriquement à la manière des prophètes. Car en disant : « Que toute vallée sera remplie et « que toute montagne et toute colline sera abaissée, et que les chemins tortus deviendront droits et que les raboteux seront aplanis (Lc. 3,5) », il montre les humbles élevés, les grands abaissés, et, les rigueurs et les difficultés de la loi ancienne cédant à la douceur et à la facilité de la loi de l’Évangile. Ce ne sont plus, dit-il, les peines et les travaux qu’on vous présente, mais on vous offre la grâce et la rémission des péchés, qui vous donnera une grande facilité pour acquérir le salut. Et pour marquer la cause de ces grands biens, il ajoute aussitôt : « Et toute chair verra le Sauveur envoyé de Dieu. » « Toute chair », dit l’Évangéliste ; ce ne sont plus seulement les juifs, ni les prosélytes qui le verront, mais la terre et la mer, et généralement tous les hommes. Il entend par ces « chemins tortus, » tout ce qu’il y a de corrompu parmi les hommes, les publicains, les prostituées, les voleurs et les magiciens, qui égarés auparavant ont marché ensuite par un chemin droit. C’est ce que le Fils de Dieu a marqué lui-même, lorsqu’il a dit aux Juifs : « Les publicains et les femmes perdues, vous précéderont dans le royaume des cieux. » (Mt. 21,31)
Le Prophète dit la même chose par une autre expression : « Alors », dit-il, « les loups et les agneaux viendront paître ensemble. » (Is. 65,25) De même que par ces vallées remplies, par ces collines abaissées, le Prophète a voulu nous marquer l’anomalie des mœurs des hommes changée dans l’uniformité de la vie évangélique, de même par ce passage où il fait paître ensemble les bêtes du caractère le plus opposé, il veut encore nous faire entendre que les mœurs et les habitudes des hommes les plus différentes se réuniront dans la paix et l’harmonie d’une même charité. Et Isaïe montre quelle sera la cause de cette réunion, en disant : « On verra alors celui qui doit être le Prince des nations, et les nations espéreront en lui. » (Is. 11,40) C’est encore la même pensée qu’il exprime après par ces autres termes : « Et toute chair verra le Sauveur envoyé de Dieu. » (Is. 25,40) Il fait voir par toutes ces paroles que la connaissance et la vertu de l’Évangile se répandront jusqu’aux extrémités du monde, retirant les hommes de la brutalité de leurs mœurs, amollissant la dureté de leurs cœurs et leur communiquant la douceur et la simplicité des enfants de Dieu.
4. « Or Jean avait un habillement de poils de chameau, une ceinture de cuir autour de ses reins, et pour son manger des sauterelles et du miel sauvage. » Vous voyez comme les prophètes ont dit certaines choses et qu’ils ont laissé aux Évangélistes à dire les autres. Saint Matthieu commence donc par les paroles du Prophète et parle ensuite lui-même, et il n’a pas cru inutile de décrire le vêtement du saint Précurseur. C’était en effet une chose admirable, étonnante, de voir que le corps d’un homme fût capable de supporter une vie si