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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/91

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par un artifice de son amour, pour nous rendre plus assidus auprès de lui, et plus attachés à la prière. Il use de ces délais, et souvent même il permet qu’il nous arrive des tentations et des maux, pour nous obliger à avoir sans cesse recours à lui et à demeurer en lui comme dans notre asile.
Nous voyons tous les jours un exemple de cette conduite dans les pères et les mères qui ont le plus de tendresse pour leurs enfants. Lorsqu’ils voient qu’ils quittent leur compagnie pour aller jouer avec les enfants de leur âge, ils commandent à leurs serviteurs de leur représenter des choses qui les étonnent et qui les épouvantent : afin que cette frayeur même les oblige de s’aller jeter entre les bras de leur mère. Ainsi Dieu nous menace souvent des plus grands maux, non pour nous les faire souffrir, mais pour nous obliger à nous jeter dans son sein. Et lorsqu’il voit que nous sommes revenus à lui, il dissipe aussitôt toutes ces craintes. Si nous avions assez de force pour nous conduire avec autant de sagesse dans la prospérité que dans l’adversité, nous n’aurions aucun besoin de ces épreuves.
Mais pourquoi m’arrêté-je à parler de nous, puisque nous voyons que les plus grands saints ont tiré de très-grands avantages de l’affliction ? David dit de lui-même : « Il m’est bon, Seigneur, que vous m’ayez humilié, afin que j’apprenne vos commandements. » (Ps. 118,71) Le Sauveur dit à ses disciples : « Vous aurez des afflictions dans le « monde. » (Jn. 16,33) Saint Paul marque expressément qu’il a passé par cette épreuve lorsqu’il dit : « Dieu a permis que je ressentisse dans ma chair un aiguillon qui est l’ange à de Satan qui me donne des soufflets. » (2Cor. 12,7) C’est pour ce sujet qu’il a prié le Seigneur par trois fois, afin que cette tentation le quittât ; mais Dieu ne l’exauça pas, parce qu’il tirait un grand avantage de ces épreuves.
Si nous jetons les yeux sur la vie du saint prophète David, nous trouverons que sa vertu a été toujours plus éclatante dans les périls. Il est aisé aussi de remarquer la même chose dans les autres saints. Jamais la piété du saint homme Job n’a été plus brillante que lorsqu’il a été le plus affligé. Joseph ne fut jamais plus agréable à Dieu que lorsqu’il était le plus persécuté ; Isaac son père, et Abraham, et tous ces autres grands saints ont toujours été plus glorieux dans les maux, et ils s’en sont servis pour mériter de plus brillantes couronnes.
Considérons ceci, mes Frères, et selon l’avis du Sage, ne soyons point impatients : « Et ne nous hâtons point au temps de la tentation (Sir. 2,2) ; » mais travaillons à souffrir tout courageusement sans nous agiter l’esprit par des demandes et des réflexions inutiles, et sans raisonner sur, les choses à venir. C’est à Dieu qui permet la tentation, de savoir quand elle doit finir ; mais c’est à l’homme qui est dans l’épreuve, à la souffrir avec une patience toujours égale, et avec de sincères actions de grâces. Lorsqu’on souffre de la sorte, les plus grands maux ne peuvent produire que de très grands biens.
Afin donc que notre vertu soit plus éprouvée en cette vie, et plus récompensée dans l’autre, supportons avec courage tout ce qui nous arrivera. Rendons grâces à Celui qui sait mieux que nous ce qui nous est utile ; et qui nous aime avec plus de tendresse que n’en ont les pères et les mères pour leurs enfants. Que la considération de cette sagesse et de cette bonté infinie de Dieu nous serve à enchanter tous nos maux et à étouffer toutes les impressions de la tristesse : afin que nous rendions gloire en toutes choses à Celui qui fait tout, et qui ménage tout pour notre salut. C’est ainsi que nous éviterons aisément toutes les embûches de notre ennemi, et que nous nous rendrons dignes de la couronne éternelle, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire, avec le Père et le Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Ainsi soit-il.