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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/93

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hardiesse s’élève-t-il, et contre eux, et contre leurs pères ?
Vous me direz peut-être qu’il les reprend en effet avec une grande liberté ; mais que la question est de savoir s’il a raison de le faire. Car saint Jean n’avait point vu pécher les pharisiens, et il voyait leur conversion. Ne devait-il donc pas les louer plutôt, bien loin de leur dire des injures, et de leur faire des reproches ? Ne devait-il pas les recevoir avec joie, lorsqu’ils quittaient les villes pour venir dans le fond d’un désert entendre prêcher la vérité ?
Nous répondons à cela, que ce saint prophète ne s’arrêtait point à considérer l’état présent de ces personnes, mais que Dieu lui avait découvert le fond de leurs cœurs. Comme il savait que la noblesse et la sainteté de leurs pères les enflait d’orgueil, et que la vanité était la cause de leur perte, et de cette extrême négligence où ils étaient tombés ; il était nécessaire qu’il coupât d’abord la racine de cette vaine présomption. C’est dans ce même dessein qu’Isaïe les appelle « Princes de Sodome et de Gomorrhe (Is. 1,10) ; » et que Dieu leur dit par un autre prophète : « N’Êtes-vous pas devant mes yeux comme les enfants des Éthiopiens ? » (Amo. 9,7) Enfin tous les prophètes tâchent de leur ôter cette fameuse persuasion, et de réprimer cet orgueil qui était pour eux la cause d’une infinité de maux.
On me dira peut-être que les prophètes avaient raison de traiter les Juifs de la sorte, puisqu’ils les voyaient pécher tous les jours ; mais avec quelle justice saint Jean le pouvait-il faire ; puisqu’il les voyait si disposés à faire tout ce qu’il aurait voulu leur ordonner ? Nous répondrons à cela, qu’il les traitait de la sorte pour amollir la dureté de leur cœur. En considérant attentivement ce qu’il leur dit, on remarque que la louange s’y mêle aux reproches. Un sentiment de surprise pour des hommes qui accomplissent enfin ; quoique tard, ce qui leur avait toujours paru impossible, est empreint dans ses paroles. Ainsi ces reproches renferment une exhortation, par laquelle il les invite et les dispose à rentrer dans de meilleurs sentiments. L’étonnement qu’il laisse paraître montre assez combien leur malice était grande, et leur conversion inattendue et étrange. Le vrai sens de ses paroles est celui-ci : Comment se peut-il faire qu’étant fils de tels pères, et qu’ayant été formés à si mauvaise école, vous embrassiez aujourd’hui la pénitence ? D’où peut venir un si grand changement ? Qui a pu amollir la dureté de ces cœurs ? Qui a guéri des plaies si incurables ?
Et remarquez comment il les épouvante d’abord en leur parlant des feux et des tourments de l’enfer. II ne leur fait point ces menaces ordinaires aux autres prophètes : Qui vous a appris à fuir la guerre, les irruptions des barbares, la captivité, la peste ou la famine ? Il leur représente d’autres peines et d’autres supplices qu’on ne leur avait point encore fait comprendre : « Qui vous a avertis », dit-il, « de fuir devant la colère, qui est prête à tomber sur vous ? »
2. C’est aussi avec grande raison qu’il les appelle « race de vipères », car on rapporte de cette espèce de serpent, qu’il tue la mère qui le porte, et qu’il n’entre au monde qu’en lui déchirant le sein. C’est là proprement ce qu’ont fait les Juifs. Ils ont été les parricides de leurs pères et de leurs mères, et ils ont trempé leurs mains dans le sang de ceux qui leur annonçaient la vérité. Mais il n’en demeure pas à ces reproches ; il y ajoute encore un conseil. « Faites donc de dignes fruits de pénitence (8). » Il ne vous suffit pas de cesser de faire du mal : il faut encore faire beaucoup de bien. Ne venez point à moi avec cette légèreté qui vous est si ordinaire, en vous convertissant pour un moment, et devenant ensuite aussi méchants que jamais. Je ne viens pas pour la même mission que les prophètes qui m’ont précédé. Ce que Dieu opère aujourd’hui dans le monde est beaucoup plus important que ce qu’il y a jamais fait. C’est le juge même des hommes, et le souverain de ce royaume éternel, qui vient en personne apprendre aux hommes les règles d’une sagesse plus sublime, et qui les appelle au ciel, et à une vie toute céleste : C’est pourquoi je vous parle des supplices de l’enfer qu’on vous a cachés jusqu’ici et je vous apprends que les biens et les maux que vous devez attendre sont éternels. Renoncez donc enfin à vos vices, et ne les couvrez plus selon votre coutume ; de ce vain prétexte, que vous êtes les enfants d' Abraham, d’Isaac et de. cessez de mettre toujours en avant la noblesse et la sainteté de vos pères. Il ne leur parle pas ainsi pour leur défendre de se dire fils de ces saints hommes, mais pour les empêcher de fonder tout leur espoir dans les vertus de leurs pères sans se mettre en peine d’en acquérir eux-mêmes. II leur découvre ce qu’ils ont de