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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/115

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souillé ». Et la voix lui dit : « N’appelez pas impur ce que Dieu a purifié ». Ces paroles, qui ne semblent s’adresser qu’à Pierre, sont dites uniquement pour les Juifs, car le reproche qui s’adresse au Maître, tombe à bien plus forte raison sur ceux-ci. La nappe c’est la terre, et les animaux qui sont dedans, représentent les gentils. Quant à ces paroles : « Tuez et mangez », elles signifient qu’il faut s’approcher des gentils ; et ce fait, qui se reproduit jusqu’à trois fois, c’est l’emblème du baptême. « Je n’ai garde, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de tout ce qui est impur et souillé ». Mais pourquoi, direz-vous, ce refus ? C’est pour qu’il ne fût pas dit que Dieu l’avait tenté, comme il tenta Abraham, en lui donnant l’ordre d’offrir son fils en sacrifice ; comme le Christ tenta Philippe, en lui demandant : Combien de pains avez-vous ? Cette question n’était pas pour obtenir un renseignement, mais pour le tenter. Maintenant, dans la loi sur les choses pures et impures, les prescriptions de Moïse étaient précises, aussi bien en ce qui concerne les animaux terrestres qu’en ce qui concerne ceux de la mer. Et cependant Pierre ne savait à quoi se résoudre. « Lorsque Pierre était en peine en lui-même de ce que pouvait signifier la vision qu’il avait eue, les hommes envoyés par Corneille, s’étant enquis de la maison de Simon, se présentèrent à la porte. Ils appelèrent, et demandèrent, si ce n’était pas là que Simon, surnommé Pierre, était logé (17, 18) ».
Ainsi Pierre s’étonne en lui-même, il hésite, et ces hommes arrivent à temps pour le tirer de son hésitation. C’est ainsi que le Seigneur permit que Joseph eût un moment d’hésitation, et alors il lui envoya l’archange. (Mt. 2,13) C’est un bonheur pour l’âme de se voir délivrée de l’hésitation qui a commencé par la troubler. Pour l’hésitation de Pierre, elle n’était pas de longue date, il ne la ressentit qu’au moment du repas. « Cependant Pierre, pensant à la vision qu’il avait eue, l’Esprit lui dit : Voilà trois hommes qui vous demandent ; levez-vous donc, descendez, et ne faites point difficulté d’aller avec eux, car c’est moi qui les ai envoyés (19, 20) ». Il faut voir, encore ici, une défense ménagée à Pierre auprès des disciples. C’est pour que ceux-ci sachent bien que Pierre a hésité, et qu’il a appris gaie son hésitation devait cesser : « Car c’est moi qui les ai envoyés ». Admirez la puissance de l’Esprit ! Ce que Dieu fait, on l’attribue à l’Esprit. L’ange ne s’était pas exprimé ainsi. Ce n’est qu’après avoir dit : « Vos prières et vos aumônes », qu’il ajoute : « Envoyez » ; il montre d’abord qu’il vient d’en haut ; mais comme l’Esprit est le Seigneur lui-même il dit : « C’est moi qui les ai envoyés. Pierre, étant descendu pour aller trouver ces hommes, leur dit : Je suis celui que vous cherchez ; quel sujet vous amène ? Ils lui répondirent : Corneille, centenier, homme juste et craignant Dieu, selon le témoignage que lui rend toute la nation juive, a été averti par un saint ange, de vous « faire venir dans sa maison, et d’écouter vos « paroles (21, 22) ». Ils font entendre cet éloge afin de bien montrer que c’est un ange qui a apparu à Corneille. Pierre les ayant donc fait entrer les logea (23) ». Voyez-vous par quoi commence l’œuvre des gentils ? Par un homme pieux que ses œuvres ont rendu digne d’une telle faveur. Si, même dans ces circonstances, les Juifs sont scandalisés, supposez un homme ne méritant rien, que n’auraient-ils pas dit ? « Pierre les ayant fait entrer », dit le texte, « les logea ». Voyez quelle sécurité ! il ne veut pas qu’il leur arrive rien ; il les fait entrer, et il les reçoit avec une pleine confiance auprès de lui. « Le jour d’après, Pierre partit avec eux, et quelques-uns des frères de la ville de Joppé l’accompagnèrent ; le jour d’après ils arrivèrent à Césarée (24) ». Corneille était un personnage important, d’une ville importante ; en ce qui le concerne, tout est disposé avec sagesse ; l’histoire commence par la Judée ; Corneille n’est pas endormi, mais il veille ; et c’est pendant le jour que l’ange lui apparaît, environ à la neuvième heure ; c’était un homme d’une conduite exacte et régulière. Mais voyons, reprenons ce que nous avons déjà dit : « Et l’ange lui dit : « Vos prières et vos aumônes sont montées jusqu’en la présence de Dieu, et il s’en est souvenu ». D’où il est évident que l’ange l’appela, et que c’est là ce qui fait que Corneille a vu l’ange. Si l’ange ne l’avait pas appelé, il ne l’aurait pas vu, tant ce Corneille était appliqué à tout ce qu’il faisait ! « Et faites venir Simon, surnommé Pierre ». En ce moment, l’ange lui montre qu’il doit le faire venir pour son utilité ; mais pour quelle espèce d’utilité ? L’ange n’en dit rien. Eh bien, de même,