Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

choses pour notre utilité. Combien d’hommes ne voyez-vous pas souffrant toute leur vie de l’éléphantiasis ? Combien d’hommes, depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse, toujours aveugles ; d’autres, devenus aveugles après coup ; d’autres, victimes de la pauvreté ; d’autres languissant dans les fers ; d’autres, dans les mines ; d’autres, enterrés vivants ; d’autres, emportés par la guerre ? Ne sont-ce pas là des marques de la divine bonté, je vous le demande ? Dieu ne pouvait-il pas prévenir ces maux, s’il l’eût voulu ? Au contraire, il les a permis. Oui, me direz-vous. Eh bien, dites-moi, pourquoi des aveugles de naissance ? Je ne répondrai pas tant que vous ne me promettrez pas que vous serez baptisés, et que, baptisés, vous conformerez votre vie à la sagesse. C’est un problème qu’il ne vous appartient pas de résoudre, et la parole n’a pas pour but le plaisir. Supposez cette question résolue, il en viendra une autre, car l’Écriture est un abîme de questions. C’est pourquoi non seulement ne vous faites pas une habitude de résoudre des problèmes, mais ne cherchez jamais de problème à résoudre. Les questions d’ailleurs se succéderaient sans fin. Pour une solution que vous auriez trouvée, je vous proposerais mille autres questions à résoudre. Apprenons par conséquent plutôt à chercher la sagesse qu’à chercher des solutions. Supposons que nous les ayons trouvées, nous ne les trouvons pas toutes. Il n’est pour de telles questions qu’une solution possible, la foi, qui croit que Dieu fait tout avec justice, avec bonté, avec utilité pour nous, et que sa raison est incompréhensible. Voilà l’unique solution, et il n’en est pas de meilleure ; car, quelle est, répondez-moi, la solution par excellence ? C’est de ne plus chercher de solution, parce que tout est expliqué. Si vous êtes bien persuadés que tout est administré par la divine Providence, qui permet certaines choses, par des raisons qu’elle seule connaît, et qui en opère certaines autres, vous êtes affranchis de toute recherche, et vous jouissez du profit de la solution. Mais revenons à notre sujet ; puisque vous voyez tant de supplices, Dieu permettant toutes ces choses, servez-vous de la santé de votre corps, pour assurer la santé de votre âme. Mais, direz-vous, qu’ai-je besoin de fatigues et d’affliction, puisque je puis, sans fatigues, acquitter toute ma dette ? Assurément voilà qui n’est pas évident, car non seulement il arrive que vous ne pouvez pas vous acquitter sans fatigues, mais il peut arriver aussi que vous partiez chargés de tout ce qui pèse sur vous. D’ailleurs, quand ce que vous dites serait de toute évidence, vos paroles seraient encore difficiles à supporter. Dieu vous a appelés dans les combats ; il vous a donné des armes d’or ; au lieu de les prendre et de vous en servir, vous voulez conserver votre vie sans gloire, n’opérant aucune bonne action. Répondez-moi ; je suppose que la guerre nous menace ; l’empereur est là ; vous voyez les uns s’élancer au milieu des phalanges, porter des coups à l’ennemi, distribuer d’innombrables blessures ; vous en voyez d’autres qui se livrent à des combats singuliers ; d’autres bondissent ; d’autres encore s’élancent sur leurs chevaux, et l’empereur leur décerne des éloges, et on les admire ; et les applaudissements les saluent, on les couronne ; tandis qu’il en est qui ne veulent s’exposer à aucun coup et qui restent au dernier rang ? Bientôt la guerre est terminée ; les uns, on les appelle, on les comble de nobles récompenses ; leurs noms sont dans toutes les bouches ; les autres, au contraire, restent avec leurs noms ignorés ; ils ont la vie sauve ; voilà leur seule récompense : à laquelle de ces deux classes d’hommes voudriez-vous appartenir ? Fussiez-vous de pierre, fussiez-vous plus lâches que les êtres insensibles, inanimés, ne préféreriez-vous pas mille fois être rangés parmi les braves ? Oui, certes, et je vous en prie, et je vous en conjure, quand vous devriez tomber en combattant, n’est-ce pas là le sort qu’il faudrait résolument choisir ? Ne voyez-vous pas quel éclat accompagne ceux qui tombent dans les combats, quelle illustration, quelle gloire ? Et pourtant une fois qu’ils sont morts, ils ne peuvent plus attendre les honneurs que l’empereur décerne ; au contraire, dans cette guerre dont je parle, il n’est rien de pareil : votre gloire sera d’autant plus grande que vos blessures seront nombreuses. Puissions-nous tous en avoir à montrer, sans les recevoir des persécutions, en Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.