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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/126

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tout à fait scandalisés. Et voyez ce qu’ils lui reprochent : Ils ne lui disent pas : Pourquoi avez-vous prêché ? mais « Pourquoi avez-vous mangé avec eux ? » Or Pierre ne répond pas à ce reproche sans valeur (sans valeur en réalité), mais il fait entendre une réponse imposante : S’ils avaient reçu l’Esprit, eux aussi, comment pouvions-nous leur refuser le baptême ? Pourquoi donc, avec les Samaritains, la chose ne s’est-elle pas passée de même ? Comment est-ce le contraire qui est arrivé ? Car non seulement le Saint-Esprit ne descendit pas avant le baptême, mais pas même après le baptême. Et les Juifs ne se sont pas indignés ; au contraire, ils ont très-volontiers envoyé chez eux, précisément pour cette raison. Mais ici l’accusation contre Pierre ne porte pas sur ce point. Ils savaient bien, en effet, qu’il agissait par la grâce divine. « Mais pourquoi », disent-ils, « avez-vous mangé avec eux ? » Il y avait d’ailleurs une différence du tout au tout entre les Samaritains et les gentils. Et en outre, c’est un effet de la sagesse que Pierre soit accusé pour l’édification des autres. Car ce n’est pas sans dessein que Pierre leur a tout raconté. Or, maintenant soyez comme il est exempt de faste et de vaine gloire ! Le texte dit : « Mais Pierre commença à leur raconter par ordre comment la chose s’était passée : Lorsque j’étais dans la ville de Joppé, en prières,(4, 5) ». Il ne dit pas pourquoi ni à quelle occasion ; « il me survint un ravissement d’esprit ; et j’eus une vision, dans laquelle je vis descendre du ciel comme une grande nappe, tenue par les quatre coins, qui s’abaissait et venait jusqu’à moi ; et la considérant avec attention, j’y vis des animaux terrestres à quatre pieds, des bêtes sauvages, des reptiles et des oiseaux du ciel. J’entendis aussi une voix qui me dit : Pierre, levez-vous, tuez et mangez (6, 7) ». Que veut-il dire par là ? Il suffisait, dira-t-on, pour opérer la persuasion, de dire qu’il avait vu une nappe. Cependant une voix se joignit à la vision. « Je répondis : Je n’ai garde, Seigneur, car jamais rien d’impur ni de souillé n’entrera dans ma bouche (8) ». Comprenez-vous ? Ce que je devais faire, dit-il, je l’ai fait ; j’ai dit que je n’ai jamais mangé. Ces paroles étaient sa réponse à ceux qui lui disaient : « Pourquoi avez-vous été, et pourquoi avez-vous mangé avec eux ? » Quant à cela, il ne le dit pas à Corneille ; et en effet, il n’y avait pas de nécessité. « Et la voix, me parlant du ciel une seconde fois, me dit : N’appelez pas impur ce que Dieu a purifié. Cela se fit jusqu’a trois fois, et ensuite toutes ces choses furent retirées dans le ciel. Au même temps, trois hommes, qui avaient été envoyés vers moi de la ville de Césarée, se présentèrent dans la maison où j’étais (9, 10, 11) ». Il raconte ce qui est nécessaire, passant le reste sous silence, ou plutôt, par ce qu’il raconte, il prouve ce qu’il ne dit pas. Et voyez comme il se défend, sans user de son autorité de maître ; il savait bien, en effet, que plus il mettrait de modestie dans sa réponse à ses accusateurs, plus il parviendrait à les calmer. « Jamais rien d’impur ni de souillé n’entra dans ma bouche », dit-il. Et voilà comment il défend sa vie tout entière. « Au même temps, trois hommes se présentèrent dans la maison où j’étais, et l’Esprit me dit d’aller avec eux sans faire aucune difficulté (12) ».
2. Voyez-vous que c’est l’Esprit qui fait la loi ? « Ces six de nos frères que vous voyez, vinrent aussi avec moi ». Quoi de plus humble que Pierre, qui invoque, ici encore, le témoignage des frères ! « Ces six de nos frères que vous voyez, vinrent aussi avec moi, et nous entrâmes dans la maison de cet homme, qui nous raconta comment il avait vu, dans sa maison, un ange qui s’était présenté devant lui, et lui avait dit : Envoyez à Joppé, et faites venir Simon, surnommé Pierre ; il vous dira des paroles par lesquelles vous serez sauvé, vous et toute votre maison (13, 14) ». Il ne cite pas les paroles adressées par l’ange à Corneille : « Vos prières et vos aumônes sont montées jusqu’en présence de Dieu, et il s’en est souvenu » ; il ne veut pas les heurter, il ne cite que des paroles dont le sens n’a rien d’orgueilleux : « Il vous dira des paroles par lesquelles vous serez sauvé, vous et toute votre maison ». Voyez-vous comme il se hâte pour la raison que j’ai dite ? Et il ne parle pas de la vertu de Corneille. Eh bien, voilà donc l’Esprit qui l’envoie, Dieu qui lui donne son ordre, qui, d’un côté, l’appelle par le ministère d’un ange, qui, d’un autre côté, le pousse encore ; qui supprime tout obstacle matériel ; que fallait-il faire ? Pierre ne dit rien de tout cela, il s’appuie sur ce qui a suivi, et qui fournissait une preuve irrésistible. Et pourquoi, dira-t-on, le dernier lait ne s’est-il pas produit seul ? Dieu a tout ménagé de manière à prouver