Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Juifs. « Assieds-toi à ma droite ». Cette parole résume toutes choses. « Jusqu’à ce que je réduise tes ennemis à te servir de marche-pied ». Cette citation ne pouvait manquer de renouveler dans les esprits une salutaire terreur, car elle montrait quelle sera la conduite du Seigneur envers ses amis et ses ennemis. Mais, pour se mieux concilier ses auditeurs, Pierre se hâte d’attribuer au Père l’exercice de la souveraineté, et, après avoir proclamé ces sublimes mystères, il abaisse insensiblement son langage.
« Que toute la maison d’Israël sache donc ». Voyez comme il prévient le doute et l’hésitation, et comme il continue avec autorité. « Que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus ». Il cite les paroles du Psalmiste, et, au lieu de dire : Que toute la maison d’Israël sache donc certainement que le Christ est assis à la droite de Dieu le Père, ce qui marquait la gloire la plus élevée, il laisse ce privilège, et dit plus humblement que Dieu l’a « fait », c’est-à-dire, l’a établi Christ et Seigneur. Ainsi, il omet de parler de la personne même du Fils, et ne s’arrête qu’à l’action du Père. « Ce Jésus que vous avez crucifié ». Que ce dernier membre de phrase est heureux ! et quels remords il devait exciter, dans l’âme de cette multitude. Car l’apôtre, qui lui a d’abord montré toute la grandeur du crime, en désigne ici les coupables, afin qu’ils en comprennent mieux l’énormité, et qu’ils en conçoivent une salutaire terreur. Et en effet, les bienfaits sont moins puissants pour attirer les hommes que la crainte pour les corriger. Mais il est des hommes admirables, de pieux amis du Seigneur, qui sont au-dessus de ce double motif ; tel était Paul qui aimait Dieu sans s’inquiéter du ciel, ni de l’enfer.
C’est là véritablement aimer Jésus-Christ, et ne point se conduire en mercenaire, qui ne cherche que son profit et son avantage : c’est là être véritablement chrétien, et n’agir que par le principe de l’amour divin. Combien donc notre conduite est-elle digne de larmes, puisqu’appelés à cet héroïsme de vertu, nous ne savons pas même considérer le ciel comme le but d’un utile négoce. Jésus-Christ nous promet les plus riches trésors, et nous ne l’écoutons point. Ah ! quels châtiments ne mérite pas une telle indifférence ! L’homme qu’excite la tyrannique passion de l’or ne considère point s’il se trouve en rapport avec un étranger, ou un esclave ; avec un ennemi, ou un rival implacable, pourvu qu’il espère en tirer quelqu’argent. Il n’est donc rien qu’il né fasse volontiers, fallût-il les aduler, les servir, et les tenir pour les plus honnêtes gens du monde, dès qu’il est assuré d’en être grassement payé : tant la soif du lucre éteint en lui toute autre pensée. Eh ! le royaume des cieux est moins puissant sur nous que la vue d’un vil métal ! Cette perspective ne peut émouvoir notre indifférence, et néanmoins celui qui nous promet ce royaume n’est pas un homme ordinaire ; c’est le Roi des cieux.
Cependant, à ne considérer même que le royaume qui nous est promis, et le Dieu qui veut nous le donner, il est beau de recevoir un tel don, et de le recevoir de telles mains. Hélas ! nous agissons comme ces insensés à l’égard desquels un roi veut couronner mille bienfaits en les associant à l’héritage de son fils, et qui ne savent que mépriser ses offres généreuses. Mais, au contraire, que le prince des méchants, celui qui, plein de malice, a précipité nos premiers parents et toute leur postérité dans un abîme de maux, nous présente une obole, et soudain nous courons l’adorer. Dieu nous promet un royaume, et nous le méprisons ; le démon nous entraîne vers l’enfer, et nous l’honorons. Ainsi, d’un côté le Seigneur, et dé l’autre le démon. Mais quelle différence encore dans leurs commandements ! Oui, supposons qu’il n’existe ni Dieu, ni démon, ni ciel, ni enfer, cette différence seule suffirait à éclairer notre choix. Et, qu’ordonnent-ils donc l’un et l’autre ? Le démon, tout ce qui souille l’homme ; et Dieu, tout ce qui fait sa gloire et son honneur. Le démon, tout ce qui nous rend malheureux et infâmes ; et Dieu, tout ce qui nous apporte la paix et la tranquillité. Écoutez en effet les paroles de l’un : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes ». (Mt. 11,29) Quel est, au contraire, le langage de l’autre ? Soyez dur et inhumain, furieux, et moins homme que bête féroce. Quant aux résultats de ces commandements, de quel côté est l’utilité et l’opportunité ? Mais, à part toutes ces considérations, il suffit de savoir que l’un des deux est le démon ; et, si nous en sommes bien persuadés, nous le vaincrons avec plus de gloire. Car l’utilité du précepte, et non sa facilité, nous doit faire connaître celui qui nous porte un véritable