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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/184

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vous-même que le chien méprise les avantages présents à côté de ceux de l’avenir, tandis que l’espérance du bonheur futur ne peut vous détourner des jouissances actuelles. Le chien sait encore que, s’il déchire le gibier destiné à son maître, non seulement il en sera privé, mais qu’il n’aura même pas sa pâture habituelle et qu’il aura des coups au lieu de nourriture. Vous, au contraire, vous ne pouvez même pas voir cela, et la raison ne fait pas pour vous ce que l’habitude fait pour le chien. Cherchons donc à imiter les chiens. Les faucons et les aigles nous donnent des leçons semblables au lieu de chasser les lièvres et les chevreuils, ils poursuivent les oiseaux, et c’est encore l’homme qui les instruit. Voilà ce qui peut nous condamner ou nous servir d’exemple.
Je vous parlerai encore des chevaux sauvages et indomptés, qui ruent et qui mordent : en peu de temps les écuyers habiles les forment si bien que le cavalier se plaît à leur faire prendre toute espèce d’allure ; tandis que personne ne dirige l’allure déréglée de notre âme, elle bondit, elle rue, elle se traîne par terre comme un enfant, elle fait mille extravagances, personne ne lui met ni frein ni entraves, et elle ne peut supporter son habile écuyer ; je veux dire le Christ : aussi tout va de travers. Nous corrigeons la gourmandise des chiens, nous domptons la férocité des lions et l’indocilité des chevaux, enfin nous faisons parler les oiseaux : n’est-il pas absurde d’exercer les animaux à des actions raisonnables, et de laisser prendre des instincts sauvages à des créatures raisonnables ?
Rien, assurément, rien ne peut nous excuser. Tous ceux qui se conduisent bien, fidèles ou infidèles, n’hésiteront pas à nous accuser ; car il y a des infidèles qui se conduisent bien nous avons même vu qu’on trouvait de bons exemples chez les animaux, chez les chiens ; l’homme seul en donne de mauvais. Nous-mêmes, nous devons nous condamner puisque nous faisons le bien quand nous voulons, et que notre faiblesse seule nous fait tomber en faute. Car on a vu des gens bien pervers se corriger par l’effet de leur volonté. Tout le mal, comme je le disais, vient de ce que les biens que nous cherchons nous sont étrangers. Si vous faites élever une maison splendide, vous cherchez ce qui convient à la maison plutôt qu’à vous : si vous portez de beaux habits, c’est avantageux pour votre corps et non pour vous-même : un beau cheval, c’est la même chose. Personne ne s’inquiète si son âme est belle : cependant, si elle est belle, on n’a besoin de rien autre chose ; si elle ne l’est pas, aucune autre chose ne peut servir. C’est comme pour une mariée : Supposez un lit nuptial orné de tissus dorés, des chœurs de belles femmes, des couronnes de roses, un beau fiancé, les servantes et les amies plus belles les unes que les autres ; si la mariée est laide, tout cela ne l’embellira pas. Mais si elle est belle, pensez-vous qu’elle aura besoin de ces splendeurs ? Sien au contraire. Car celle qui est laide le paraît encore plus avec tout cet éclat, mais celle qui est belle semble l’être encore plus dans sa simplicité. Il en est de même pour l’âme ; lorsqu’elle est belle, toutes les richesses ne lui ajoutent aucun prix et voilent au contraire sa beauté ; car le sage ne brille pas dans l’opulence, mais plutôt dans la pauvreté. S’il est riche, on dit que sa vertu tient à ce qu’il ne manque de rien : au contraire, s’il mérite l’admiration générale, parce que sa pauvreté ne le contraint à rien dont il puisse rougir, personne ne pourra plus lui disputer la couronne de la sagesse.
Si donc nous prétendons aux richesses véritables, embellissons notre âme. De quoi vous servirait-il d’avoir des mulets blancs, bien soignés et bien nourris, si vous, qui les montez, êtes maigre, galeux et difforme : de même, que vous servirait-il d’avoir de beaux lits moelleux, aussi bien ornés que bien travaillés, si votre âme n’avait que des haillons, si elle était nue et sale ? Qu’importe – qu’un cheval s’avance en mesure et semble danser plutôt que marcher, qu’importe qu’il soit accompagné d’un cortège de fête, si celui qui le monte boite plus qu’un boiteux – et remué ses mains et ses pieds d’une manière plus bizarre qu’un ivrogne ou un fou ? Dites-moi, celui qui vous donnerait un beau cheval, mais vous disloquerait le corps, vous ferait-il du bien ? Maintenant c’est votre âme qui est disloquée et vous ne vous en inquiétez point. Je vous en conjure, pensons enfin à nous-mêmes : ne nous mettons pas au-dessous de toutes les créatures Si l’on nous injurie, cela nous pique et nous afflige : mais quand nous nous faisons injure à nous-mêmes par nos actions, nous n’y prenons pas garde. Repentons-nous, si tard que ce soit, veillons sur notre âme et cultivons la