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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/183

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Il ne dit pas : qui ordonnait, mais « qui priait » ; c’est-à-dire, qui lui demandait ce dont il avait besoin. Pourquoi ces mots : ne « doutant point » ? c’est-à-dire, conjecturant. En effet, ils devaient le conclure de cette vision, apparue seulement à Paul, des défenses que le Saint-Esprit leur avait faites et de la proximité où ils étaient de la Macédoine. Ils en étaient encore avertis par la direction de leur navigation, car il n’y avait pas longtemps qu’ils avaient approché de cette frontière de la Macédoine. On reconnaît ici l’avantage providentiel de cette contestation. Sans cela, l’œuvre du Saint-Esprit aurait été incomplète, et la Macédoine n’aurait pas reçu la parole divine. Un pareil progrès montre que ce n’était pas seulement l’action des hommes. Aussi Barnabé ne s’en fâcha point ; seulement « il y eut une contestation entre eux ». Ils n’en furent pas plus irrités l’un que l’autre.
5. Nous voyons par là qu’il ne faut pas écouter ces paroles sans attention, mais les étudier et nous en pénétrer : car tout cela n’est pas écrit en vain. C’est un grand malheur de ne pas connaître l’Écriture : ce qui devrait être notre salut, peut devenir notre perte. C’est ainsi que l’on voit souvent des remèdes souverains, ne servir qu’à la destruction et à la mort de ceux qui les emploient sans en connaître l’usage, et des armes tuer quelquefois les imprudents qui voulaient les utiliser pour leur défense. La raison en est que nous songeons à toute autre chose qu’à l’avantage de notre âme, et que nous sommes préoccupés de tout, excepté de ce qui nous importe le plus. Nous veillons toujours à la solidité de notre maison, et nous craignons pour elle les ravages des années et des orages ; mais notre âme ne nous inquiète pas : nous avons beau la voir menacée de fond en comble, peu nous importe. Si nous avons des animaux, nous veillons sur eux, nous les faisons soigner, guérir ; en un mot, nous n’épargnons rien. Nous tenons à ce qu’ils soient bien abrités, et nous recommandons à ceux qui en sont chargés de ne pas les fatiguer par des exercices ou des fardeaux excessifs, de ne pas les faire sortir de nuit quand le temps n’est pas favorable, de ne pas trafiquer sur leur nourriture ; enfin nous faisons une foule de prescriptions pour nos animaux, tout cela sans songer à notre âme. Mais pourquoi m’arrêter sur ceux des animaux qui nous sont utiles ? Bien des gens ont des oiseaux qui ne servent qu’à les amuser ; cependant ils font là-dessus une foule de recommandations, ils n’oublient et ne négligent rien : enfin nous sommes préoccupés de tout, excepté de nous-mêmes. Sommes-nous donc inférieurs à toutes ces créatures ? Nous sommes fâchés, si l’on nous injurie en nous appelant : chien ; mais quand nous nous injurions ainsi nous-mêmes, non par nos paroles, mais par nos actions, en prenant moins de soin de notre âme que de nos chiens, cela ne nous choque point. En vérité, c’est à n’y rien comprendre. Combien voit-on de gens qui font en sorte que leurs chiens ne mangent pas plus qu’il ne faut, afin que leur appétit non satisfait, les rende plus légers et plus ardents à la chasse, tandis qu’ils ne s’imposent à eux-mêmes aucune règle contre les excès du plaisir ; ils semblent ainsi apprendre la sagesse aux animaux dont ils empruntent la brutalité.
Voilà une chose étrange. Qu’est-ce donc que la sagesse des animaux, direz-vous ? Ne trouvez-vous pas une grande sagesse chez le chien affamé qui saisit une pièce de gibier, et qui, sachant s’abstenir de cette nourriture mise à sa portée, fait taire son appétit pour attendre son maître ? Rougissez donc, et vous-même exercez-vous à une pareille sagesse. Vous n’avez aucune excuse. Puisque cet être qui, par sa nature, n’a ni parole ni raison, peut acquérir une pareille sagesse, vous en êtes bien plus capable. En effet, cela ne vient pas de leur nature, mais des soins de l’homme ; car autrement tous les chiens seraient de même. Tâchez donc de ressembler à des chiens comme ceux-là. Vous me forcez à de pareilles comparaisons. Je voudrais vous comparer aux anges, mais vous diriez qu’ils sont trop au-dessus de nous ; aussi je ne parle pas des anges : à Paul ? vous, diriez que c’était un apôtre ; aussi je ne parle point de Paul : à un homme ? vous diriez que, s’il a été sage, c’est qu’il a pu l’être ; aussi, je ne parle point d’un homme, mais d’un animal dont la sagesse ne provient ni de sa nature, ni de sa volonté : Chose étrange ! elle ne vient pas de lui-même, mais de vos soins à vous-même. Il ne songe pas qu’il est fatigué, épuisé par sa course, qu’il s’est donné la peine de prendre cette proie ; ou plutôt, il laisse tout cela de côté pour obéir à son maître et vaincre son appétit. Oui, direz-vous, mais il attend des éloges, il attend une meilleure nourriture, Eh bien ! dites vous à