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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/220

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glorieuse. Il n’est pas si difficile d’être délivré du démon, que de se délivrer du péché. Le démon n’empêche pas d’acquérir le royaume des cieux, il coopère à nous le faire obtenir malgré lui, à la vérité. Mais il y coopère cependant, car il rend plus continent celui qu’il possède. Le péché au contraire exclut du royaume des cieux.
4. Mais peut-être quelqu’un dira-t-il : je ne souhaite pas d’acquérir ainsi la continence ! Ni moi non plus je ne vous le souhaite pas, mais je vous souhaite de l’acquérir par une autre voie, en faisant tout par amour du Christ. Mais si, ce que je ne souhaite pas ; ce malheur vous arrivait, il faudrait encore demander cette grâce. Si donc le démon n’exclut pas du ciel, et si le péché en exclut, c’est un plus grand bien d’être délivré du péché. Appliquons-nous donc à délivrer le prochain du péché, et avant le prochain à nous en délivrer nous-mêmes. Veillons à ne pas laisser le démon s’emparer de nous. Examinons-nous avec zèle. Le péché est pire que le démon ; car le démon rend humble. Ne voyez-vous pas combien les démoniaques, lorsqu’ils sont délivrés, de leur maladie, sont tristes et chagrins ? comme leur visage est couvert de honte, et comme ils n’osent regarder ? Voyez l’absurdité : ceux-ci rougissent de ce qu’ils souffrent, et nous, nous ne rougissons pas de ce que nous faisons ; ils sont victimes de l’injustice, et ils ont honte, et nous, nous commettons l’injustice, et nous ne craignons rien. Et cependant leur malheur n’est pas digne de honte, mais bien de pitié, de bienveillance et d’indulgence ; il est même digne d’admiration et de louanges sans nombre, lorsque, soutenant contre le démon un combat si rude, ils supportent tout en rendant à Dieu des actions d e grâces ; notre état à nous, au contraire, est ridicule, honteux, digne d’accusation, de supplice et de châtiment ; il mérite les plus grands maux, l’enfer, il est impardonnable. Voyez-vous comme le péché est pire que le démon ? Les démoniaques, à cause des maux qu’ils endurent, ont un double bénéfice : l’un, qui est d’être plus continents et plus sages ; l’autre, qui est de s’en aller purs devant le Seigneur, puisqu’ils ont subi ici-bas le châtiment de leurs péchés propres. Souvent nous avons parlé sur ce sujet, et nous avons montré que ceux qui sont châtiés ici-bas, s’ils supportent leurs maux avec patience, sont déchargés vraisemblablement d’une grande partie de leurs péchés. Le mal qui provient du péché est double aussi : d’une part nous offensons Dieu, de l’autre, nous devenons plus mauvais qu’auparavant ; faites attention à ce que je vous dis.
Le péché ne nous blesse pas seulement parce que nous péchons, mais encore parce que l’âme contracte une habitude, comme il arrive pour le corps. Un exemple exprimera plus clairement ma pensée. De même que le fiévreux ne souffre pas seulement de sa maladie actuelle, mais encore de la faiblesse qui en est la suite, lorsqu’il revient à la santé après une longue maladie ; ainsi en est-il du péché ;. même après qu’il est guéri, nous ressentons encore l’affaiblissement qu’il nous a causé. Voyez celui qui a dit des injures à quelqu’un et n’en a pas été puni. Il ne doit pas seulement pleurer parce qu’il n’a pas subi la peine des injures qu’il a dites, il doit encore s’affliger pour une autre cause. Pourquoi donc ? Parce que son âme est devenue plus impudente. Chacun des, péchés que nous commettons dépose dans l’âme un certain poison qui y reste, même après la destruction du péché. N’entendez-vous pas ceux qui reviennent à la santé, après la maladie, dire : Je n’ose pas encore boire d’eau ? Et cependant ils sont rétablis ; mais la maladie leur a laissé cette infirmité. Les démoniaques, au milieu de leurs tortures, rendent des actions de grâces à Dieu, et nous, qui sommes heureux, nous blasphémons Dieu, et nous le supportons avec peine. Il s’en trouve plus parmi ceux qui jouissent de la santé et de la fortune, qui agissent ainsi, que parmi les pauvres et les infirmes. Le démon est là qui les menace comme un bourreau terrible, comme un maître d’école qui lève sa lanière et ne la laisse jamais reposer. Que si quelques-uns ne deviennent pas sages en passant par une telle épreuve, ils n’en sont pas punis. Ce n’est pas là un médiocre avantage. Si les insensés, les fous, les enfants, ne sont pas responsables, les démoniaques ne le sont pas non plus ; il n’y a personne d’assez cruel pour punir des péchés d’ignorance. Donc nous autres pécheurs sommes dans un état pire que celui des démoniaques. – Mais nous n’écumons pas, nos yeux ne se retournent pas, nos mains ne se tordent point. Plût à Dieu que nous souffrissions ces choses dans le corps, et non dans l’âme ! Voulez-vous que je vous