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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/224

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la perte serait pour lui peu sensible ; mais elle devait être grande pour les ouvriers qui sont pauvres et qui vivent du travail de chaque jour. Cependant ils ne disent rien, lui seul parle ; et comme ils étaient du même métier que lui, il en fait des instruments de trouble. Ensuite il exagère le danger en disant : « Il est à craindre pour nous que notre partie ne se perde » : ce qui veut dire que, privés de ce métier, ils sont en danger de mourir de faim. Cependant ces paroles devaient suffire pour amener à la religion ; mais, misérables et sans intelligence comme ils étaient, ils se révoltent plutôt, et ils n’ont garde de réfléchir et de se dire à eux-mêmes : Si cet homme est assez puissant pour convertir le monde et mettre en danger les dieux, quelle doit être la puissance de son Dieu ! Combien donc ce Dieu nous donnera-t-il mieux les choses que nous craignons de perdre ? Démétrius s’était déjà emparé de leur esprit, en leur disant : « Ceux-là ne sont pas des dieux qui sont faits par la main des hommes ». Voyez pour quelle raison s’indignent les gentils, c’est parce qu’on leur dit : « Ceux-là ne sont pas des dieux qui sont faits par la main des hommes ». Il insiste partout sur la question de leur métier. Ensuite, comme pour mettre le comble à leur douleur, il ajoute en dernier lieu : « Non-seulement notre métier est en danger », c’est-à-dire, tout cela n’est rien ; mais ce qui est très-grave, c’est que le temple de la grande Déesse est en danger d’être détruit. Et pour ne pas sembler parler en vue du gain, il ajoute : « Que la terre entière vénère ». Voyez-vous comme il démontre là grande puissance de Paul ; il dit à ces gens qu’ils seront tous réduits à la misère et perdus si cet homme chassé de son pays, ce fabricant de tentes, peut faire de si grandes choses ? Voyez les témoignages rendus aux apôtres par leurs ennemis. Ailleurs ils disaient : « Vous avez rempli Jérusalem de votre doctrine » (Act. 5,28) ; ici : « La majesté de la grande Diane sera détruite ». Dans une autre circonstance ces mêmes ennemis disaient : « Ceux qui ont bouleversé la terre sont ici » (Act. 17,6) ; maintenant ils disent : « Il y a danger pour nous que cette partie ne tombe à rien ». Les Juifs disaient aussi du Christ : « Voyez comme tout le monde va après lui, les Romains viendront et prendront notre ville ». (Jn. 12,19 et 11, 48)
Lorsqu’ils eurent entendu ce discours, ils furent remplis de fureur ». D’où venait cette fureur ? De ce qu’on leur avait dit de Diane et de la perte qu’ils allaient faire. C’est l’habitude, dans la place publique, de se soulever et de prendre feu à propos de quoi que ce soit. Il faut donc toujours agir avec circonspection. Voyez à quel point ils sont méprisables de s’enflammer à propos de tout. « Lorsqu’ils d l’eurent entendu, ils furent remplis de fureur », dit l’auteur, « et ils s’écriaient : La Diane des Éphésiens est grande. Et la ville a entière fut remplie de confusion ; ils se précipitèrent d’un commun accord vers le théâtre, entraînant avec eux Gaïus et Aristarque, « Macédoniens, compagnons de Paul (28-29) ».
2. Ils font irruption sans raison, comme les Juifs chez Jason ; partout les apôtres sont prêts. Ils n’avaient, en agissant de la sorte, souci ni de la gloire, ni de la renommée. « Paul voulait sortir et aller vers le peuple ; mais les disciples ne le permirent pas. Quelques-uns des Asiarques qui étaient ses amis, envoyèrent près de lui pour le prier de ne pas se montrer au théâtre (30, 31) ». Ils le prient de cela, parce que c’était une foule sans raison, capable de tout oser dans son aveugle fureur. « Paul accède à cette prière » ; car il n’était ni ambitieux, ni avide de vaine gloire. « Les uns criaient d’une manière, les autres d’une autre ; car la foule était un mélange de toutes sortes de gens ». Telle est la multitude, elle se précipite au hasard, comme l’incendie. « La plupart ne savaient pas pourquoi ils s’étaient rassemblés. On fit sortir de la foule Alexandre que les Juifs poussaient en avant ». Les Juifs prenaient les devants par l’action de la divine Providence, afin qu’ils n’eussent pas possibilité de contredire ensuite. Cet homme est donc poussé en avant, et il parle ; écoutez ce qu’il dit : « Alexandre ayant fait faire silence de la main, voulait se justifier devant le peuple. Lorsqu’on sut qu’il était Juif, un seul cri partit de la foule entière qui s’écriait, pendant environ deux heures : La Diane des Éphésiens est grande ! » C’était une pensée d’enfant. Ils criaient sans interruption, comme s’ils eussent craint que leur culte ne fût aboli. Paul est resté là pendant deux ans : voyez combien il y a encore de gentils. « Lorsque le greffier eut apaisé la foule, il leur dit : Éphésiens, quel homme ignore que la ville d’Éphèse honore d’un culte