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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/227

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le rire est immodéré, les allures sont désordonnées, le vêtement et la démarche sans pudeur ; toutes les marques de la folie et de la sottise s’y rencontrent : en un mot, rien autre ne s’y trouve que le rire et la dérision. Ce n’est pas le mariage que je condamne, à Dieu ne plaise ! mais c’est ce qui accompagne les mariages. La nature alors est comme agitée d’une fureur étrange ; les assistants y sont semblables à des êtres sans raison et non à des hommes : les uns hennissent comme des chevaux, les autres ruent comme des ânes ; c’est une grande dissolution, une grande confusion ; il n’y reste plus rien de vertueux ni d’honnête. Là est la pompe du démon, les cymbales, les flûtes ; là se font entendre des chansons remplies de fornication et d’adultère. Il en est tout autrement là où l’on est dans le deuil, l’ordre y règne avec la bienséance. Un grand silence, un grand calme, une grande réserve, rien n’est déréglé ; si quelqu’un parle, c’est pour faire entendre des paroles pleines de sagesse ; mais, chose étonnante, pendant ce temps, ce ne sont pas seulement les hommes, mais même les serviteurs et les femmes dont tous les propos respirent la sagesse. Telle est, en effet, la nature du deuil ; chacun s’efforce de consoler celui qui est dans la peine, on lui communique mille pensées remplies de philosophie. On fait des prières pour que le malheur ne s’aggrave point. Pour consoler l’affligé, on lui énumère ceux qui ont souffert ce qu’il souffre. Qu’est-ce en effet que l’homme ? Étude de notre nature. Qu’est-ce donc que l’homme ? Accusation de sa vie et de sa vile existence, souvenir des choses à venir et du jugement.
4. Chacun rentre dans sa demeure : celui qui revient des noces, s’afflige de n’être pas lui aussi dans la bonne fortune ; celui qui revient du deuil est plus à l’aise, parce qu’il n’a rien souffert de semblable, et il s’en est allé, après avoir éteint en lui-même toute passion. Mais quoi ! Voulez-vous que nous mettions en parallèle les prisons et les théâtres ? Les unes sont des lieux d’affliction, les autres des lieux de plaisir. Souffrez que nous vous fassions voir ce qui se passe dans l’un et l’autre séjour. Dans la prison, beaucoup de philosophie : en effet, là où est le chagrin, là est aussi la philosophie. Celui qui auparavant était riche, orgueilleux, supportera que n’importe qui lui parle, car la crainte et la douleur consument son âme avec plus d’ardeur que le feu, et en amollissent la dureté ; alors il devient humble, austère, alors il comprend l’instabilité des choses de la vie, et il est fort contre toutes les adversités. Au théâtre, tout au contraire, se rencontrent le rire, la honte, la pompe diabolique, l’affaiblissement de l’esprit, la perte de temps, la dépense inutile des jours, tout l’apparat d’une concupiscence effrénée, l’enseignement de l’adultère, l’école de la prostitution et du libertinage, l’encouragement à la honte, les sujets de rire, l’exemple de la dépravation. Telle n’est pas la prison : là se trouvent l’humilité, l’exhortation, l’encouragement à la philosophie, le mépris des choses de cette vie. Toutes choses sont foulées aux pieds et méprisées ; la crainte se tient auprès du prisonnier comme le précepteur près de l’enfant, et le forme à tout ce qui est bon. Si vous le voulez bien, examinons ces lieux sous un autre point de vue. Je voudrais que vous rencontrassiez un homme sortant du théâtre, et un autre quittant la prison, et que vous vissiez l’âme hébétée, troublée ; et vraiment enchaînée du premier ; et celle du second, tranquille, déliée et libre. Celui, en effet, qui sort du théâtre les yeux épris des femmes du lieu, est véritablement lié par des chaînes plus fortes que le fer, c’est-à-dire par les lieux eux-mêmes, les paroles et les formes qu’il y a vues. Celui qui sort de la prison est débarrassé de tout, il ne croira plus rien souffrir désormais en comparant son sort à celui des autres ; pourvu qu’il ne soit plus enchaîné, il considérera cela comme une grâce, il méprisera les choses humaines en voyant tant de riches dans l’infortune, tant de puissants jetés dans les fers. Si on lui fait quelque injustice, il la supportera ; il en a tant vu. Le jugement à venir lui viendra à l’esprit, et il frissonnera d’horreur à l’idée de la prison de l’autre monde. De même que la prison l’a rendu doux envers tout le monde ; de même la perspective du jugement et du châtiment futur lui inspirera de la bonté pour sa femme, pour ses enfants et pour ses serviteurs.
Tel n’est pas celui qui revient du théâtre. Il regardera sa femme d’une façon peu aimable, il sera dur envers les domestiques, aigre avec ses enfants, sauvage avec tout le monde. Les théâtres engendrent de grands maux pour les cités, de grands maux, et nous n’en savons pas la grandeur. Si vous me le permettez,